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Intervention de Jean-Claude Mailly

Réunion du 25 mai 2011 à 16h00
Mission d'information sur la compétitivité de l'économie française et le financement de la protection sociale

Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière :

La compétitivité est par définition une notion relative et multifactorielle : le coût du travail n'en constitue que l'un des éléments. J'en veux pour preuve la brochure « Sept raisons d'investir en France », éditée par Bercy à l'intention des investisseurs étrangers, qui, parmi les atouts de notre pays, met en avant les infrastructures, les services publics, la qualification des travailleurs, le niveau élevé de la productivité, tous participant de la compétitivité hors-coût, au moins aussi importante que la compétitivité coût. On pointe, hélas, trop souvent le seul coût du travail lorsqu'on évalue la compétitivité d'un pays. Des comparaisons, notamment avec l'Allemagne, sont souvent effectuées, mais comparaison n'est pas toujours raison…

Cette approche de la compétitivité focalisée sur le coût du travail relève d'une idéologie néo-libérale, qui fait l'objet d'un rejet grandissant, comme j'ai pu le constater la semaine dernière au congrès de la Confédération européenne des syndicats où le « Pacte pour l'euro plus » et la logique qui le sous-tend ont été unanimement condamnés par les organisations syndicales. C'est dans le même esprit que Force ouvrière s'est opposée à l'inscription dans notre Constitution d'une « règle d'or » budgétaire.

Quels sont pour nous les facteurs déterminants de la compétitivité ? Tout d'abord, une place suffisante de l'industrie dans l'économie. Depuis 2000, notre pays souffre de désindustrialisation. La part de l'industrie dans la valeur ajoutée ne représente plus que 13 %, contre 17 % en moyenne dans l'Union européenne et 20 % en Allemagne. Notre pays est insuffisamment présent dans le secteur des biens d'équipement de haute technologie et notre tissu industriel ne compte pas assez de grosses PME, à la différence de l'Allemagne.

La stratégie industrielle de l'État est elle aussi insuffisante. La mise en place de la commission nationale de l'industrie et de onze comités de filière avait fait naître de grands espoirs, qui ont été déçus, puisqu'un seul comité, celui des nouvelles technologies de l'information et de la communication, travaille aujourd'hui activement. J'en profite pour indiquer que Force ouvrière souhaiterait la création d'un douzième comité, consacré à la filière nucléaire. Il faut, pour renforcer l'industrie dans notre pays, élaborer une stratégie industrielle, organiser les filières et la sous-traitance et lutter contre les délocalisations. Voilà les défis à relever.

Il faut se garder de certaines idées qui, bien que souvent invoquées, sont fausses. On entend ainsi dire que le taux de l'impôt sur les sociétés serait plus lourd en France que dans les autres pays, mais c'est sans compter les nombreuses « niches » et autres mécanismes d'optimisation fiscale qui permettent de l'alléger considérablement. La comparaison des taux bruts est dénuée de signification.

J'avoue que le titre même de votre mission d'information m'interpelle. Je ne pense pas que notre protection sociale doive être analysée en priorité sous l'angle de la compétitivité de notre économie. Cette question soulève celles des modalités de la construction européenne. Que l'on ne s'y méprenne pas, Force ouvrière est très favorable à la construction européenne, même si elle en conteste les modalités. Mais elle refuse tout dumping social ou fiscal – nous devons garder en tête les abus nés de la directive relative au détachement des travailleurs.

Nous refusons tout aussi fermement que certains pans de la protection sociale collective soient privatisés. Il importe en revanche de clarifier son financement. Les circuits en sont aujourd'hui complexes : une part est financée par l'impôt, une autre par les cotisations salariales et patronales, une autre encore par la contribution sociale généralisée et la contribution pour le remboursement de la dette sociale, à quoi s'ajoutent diverses mesures d'exonérations. Il faudrait tout d'abord dresser un état des lieux précis, puis se mettre d'accord sur ce qui doit relever des cotisations sociales et ce qui doit relever de l'impôt, à charge pour le Parlement de fixer le montant de l'impôt nécessaire pour assumer les charges dites de solidarité nationale. Une clarification des rôles et des responsabilités constitue un préalable à celle du financement. Ce débat important, que nous réclamons depuis longtemps, n'a, hélas, toujours pas eu lieu. La plus large part de la protection sociale, 56 % en moyenne avec des taux qui diffèrent selon les branches, demeure financée par les cotisations. Pour le grand chantier à venir du financement de la dépendance, il faut se demander ce qui doit relever respectivement de la cotisation et de l'impôt.

Un dernier mot sur l'idée d'une « TVA sociale », évoquée ça et là. Quelque nom qu'on lui donne, il s'agirait bien d'un nouvel impôt et je vois mal comment on pourrait, dans le contexte actuel, augmenter de façon significative le taux de la taxe sur la valeur ajoutée. En outre, toute question touchant à la taxe sur la valeur ajoutée exige d'être traitée non à l'échelle de la France, mais de l'ensemble de la zone euro.

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