Il faut aussi rappeler, quand on nous oppose l'argument de l'Europe, que la santé reste du domaine de l'État et que celui-ci aurait pu user de son droit de subsidiarité pour refuser la financiarisation massive qui nous a été imposée par la Commission européenne.
La même problématique s'est présentée quand nous avons discuté du médicament, il y a quelques semaines. Nous avions convenu – M. Bertrand nous avait d'ailleurs rejoints sur ce point – qu'il fallait certes améliorer le système de sécurité sanitaire du médicament dans le respect de la transposition des directives européennes, mais que, pour autant, nous ne pouvions pas tout accepter sous prétexte d'harmonisation européenne car il en allait de la santé de nos concitoyens.
Constatant que la mainmise actuelle des groupes financiers donne un coup d'arrêt aux laboratoires de proximité et donc aux soins de proximité, nous ne pouvons que nous interroger sur la volonté du Gouvernement de conserver notre système de soins. Sans entrer dans le détail, je signale que l'un de ces groupes financiers est une succursale de la Générale de Santé qui a aussi fait une OPA sur des cliniques privées.
Le groupe socialiste, radical et citoyen que je représente s'était déjà exprimé sur le sujet en février et mars 2009 : lors du débat sur l'article 20 du titre II de la loi HPST, nous avions évoqué la question des laboratoires de biologie médicale et leur financiarisation.
Ce titre II, pour ceux qui l'auraient oublié, était intitulé « Accès de tous à des soins de qualité ». Le moins que l'on puisse dire, trois ans après, c'est que l'ambition affichée dans ce titre est bien loin de la réalité constatée sur le terrain. Si Mme Bachelot et ses successeurs avaient respecté l'engagement pris en mars 2009, quand à l'unanimité, gauche et droite confondues, nous avions voté la suppression de l'alinéa 7 de l'article 20 de la loi HPST, nous n'en serions peut-être pas là aujourd'hui.
Cet engagement était de consacrer un vrai temps de débat parlementaire à cette question. Tous les parlementaires présents ce jour-là étaient en attente d'un projet de loi permettant de discuter sereinement et en détail des sujets concernant l'avenir de la biologie médicale. Nous sommes bien loin du compte aujourd'hui.
En mars 2009, Mme Gallez, députée UMP, affirmait : « Les biologistes ne souhaitent pas que soient prises par ordonnance des mesures aussi importantes. » M. Mallié, député UMP, était surpris « qu'à l'heure où le Parlement est censé avoir plus de compétences », le Gouvernement décide d'agir par ordonnance. M. Tian, un autre député de l'UMP, se faisait porte-parole des « professionnels, très inquiets à l'idée que le Gouvernement prenne des ordonnances. »
Même les parlementaires de la majorité devraient aujourd'hui s'insurger face à ces pratiques et au non-respect manifeste de la représentation nationale dont témoigne la parution de cette ordonnance, moins d'un an après, révélant l'importance que la majorité en place accorde à la santé.
Au nom de mon groupe, je m'inquiète de voir le Gouvernement faire preuve d'un certain dédain à l'égard de ce qui est une spécialité médicale à part entière. Contrairement à ce que vous semblez penser, la biologie médicale est un vrai sujet et ne consiste pas seulement en dosages de cholestérol, de glycémie, de triglycérides ou de numération de formule sanguine.
Outre le suivi de maladies chroniques, cette spécialité médicale permet d'établir des diagnostics en urgence et de sauver des vies. Allez demander aux urgentistes des hôpitaux l'importance de la biologie, 24 heures sur 24, quand il faut orienter un patient vers telle spécialité ou telle autre, quand il faut très vite les analyses toxicologiques d'un patient arrivé inconscient aux urgences. À ce moment-là, chaque minute passée peut être une minute perdue.
Malgré l'importance de cette profession, malgré les engagements pris, vous nous obligez aujourd'hui à légiférer dans l'urgence, le couteau sous la gorge, sans prendre le temps des discussions ou des analyses nécessaires.
Comment voulez-vous, madame la secrétaire d'État, que l'on puisse ensuite vous croire quand vous nous jurez, la main sur le coeur, de prendre toutes les dispositions qui s'imposent pour améliorer la sécurité sanitaire et pour redonner confiance aux Français dans leur système de soins ?
Face à la dégradation effarante de la situation sur le terrain, à la déconstruction progressive des laboratoires de proximité, à la mort pure et simple des petits laboratoires et aux coûts exorbitants de l'accréditation, nous ne pouvons que nous abstenir ou nous dépêcher de voter pour ce texte mi-figue, mi-raisin afin de sauver ce qui peut encore l'être avant la fin de la législature.
Nous apprécions assez peu ce chantage, mais l'intérêt de la population sur un sujet aussi important que la santé nous pousse à agir d'une façon réfléchie sans être pour autant déraisonnée.