Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi a pour objectif d'achever le chantier législatif de la réforme de la biologie médicale, entamé en février 2009 avec l'examen du projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires », dit HPST, dont j'ai été le rapporteur à l'Assemblée nationale. En effet, son article 20, devenu l'article 69 du texte final, a permis au Gouvernement de réformer, par voie d'ordonnance, les conditions de création, d'organisation et de fonctionnement des laboratoires de biologie médicale. Les débats parlementaires avaient toutefois porté largement sur le fond de la réforme puisque l'ensemble du texte a fait l'objet de plus de cent heures de débats.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est le fruit, j'y insiste, de longs travaux et de longues négociations, qui ont permis d'aboutir à un bon compromis. Il est urgent désormais de faire adopter ce texte fort attendu par les professionnels du secteur qui ont besoin d'un cadre juridique stable pour appuyer les mutations de leur métier. En effet, la biologie, comme l'ensemble des autres disciplines médicales, a bénéficié très largement des progrès techniques. On est ainsi passé en quelques années de la manipulation des tubes à essai à des techniques très sophistiquées, reproductibles aisément, conduisant à une mécanisation et à une automatisation exigeant souvent de grands volumes de prélèvements, et les résultats sont obtenus plus rapidement, à un moindre coût, sur des prélèvements de faible volume et avec une meilleure précision.
La biologie médicale est un élément primordial du parcours de soins, tant sur le plan diagnostic que sur celui du suivi des traitements. Il est donc essentiel de pouvoir garantir à tous les Français l'accès à une biologie médicale de qualité dans tous les laboratoires, en ville, à la campagne comme à l'hôpital. C'est pour cela que le Gouvernement avait souhaité, en 2008, soit trente-trois ans après la réforme de la biologie médicale établie par la loi du 11 juillet 1975, entreprendre une nouvelle réforme destinée à préparer l'avenir de cette discipline afin que celle-ci s'adapte aux évolutions mais aussi aux besoins des patients. Son objectif, tel qu'il a été défini par Roselyne Bachelot, alors ministre de la santé, était « de permettre à chacun d'avoir accès à une biologie médicale de qualité prouvée, payée à son juste prix, dans un cadre européen ». Cette réforme était issue de plusieurs constats : un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales avait montré, en 2006, que la qualité moyenne des laboratoires de biologie médicale était bonne mais avec quelques insuffisances, plus particulièrement dans des laboratoires à faible activité ; par ailleurs, ce rapport indiquait aussi que la structure des laboratoires français de biologie médicale n'avait pas progressé aussi vite que l'évolution des connaissances scientifiques et des technologies l'aurait exigé et que certains avaient une activité trop faible pour être capables de s'adapter aux techniques d'analyse les plus modernes.
Face à ces constats, une réforme structurelle et profonde du secteur était donc nécessaire. C'est à cette fin qu'il avait été demandé par la ministre de la santé à Michel Ballereau de lui faire des propositions. Elles ont servi de base à la rédaction de l'ordonnance du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale. La réforme ainsi proposée, aujourd'hui reprise dans le texte qui nous est soumis, place le patient au coeur de nos préoccupations. Elle a été construite avec les professionnels et s'appuie sur deux mesures principales qui ont pour objectif de créer une biologie médicale efficiente, de qualité prouvée et, je le redis, mise au service du patient.
Tout d'abord, la médicalisation. Il est important de s'appuyer sur les acquis et de considérer la biologie médicale non pas comme une discipline uniquement technique, mais comme une discipline médicale exercée par des médecins biologistes et des pharmaciens biologistes au bénéfice des patients. Il faut donc renforcer le caractère médical de la discipline, et c'est le biologiste médical qui sera le garant de la qualité de l'examen dans son ensemble. Les compétences de ces professionnels de santé, fondées sur plus de dix ans de formation initiale et sur une formation continue obligatoire, doivent être valorisées et mieux utilisées pour améliorer la pertinence du diagnostic et du suivi. Je souligne que la biologie médicale ne doit plus être considérée comme un service mais comme une prestation médicale.
C'est pourquoi la proposition de loi, que j'ai cosignée, prévoit notamment que les ristournes seront désormais interdites. Ces remises sont fréquemment accordées par les laboratoires de biologie médicale aux établissements de santé en fonction du volume, mais il paraît difficilement concevable d'admettre que les laboratoires soient invités à se livrer à une guerre commerciale à coups de rabais sur la nomenclature de l'assurance maladie. En revanche, il convient d'encourager les coopérations entre établissements de santé qui, dans le domaine de la biologie comme dans d'autres, doivent permettre de maintenir sur l'ensemble du territoire une offre de qualité et de rationaliser les investissements.
L'autre mesure, c'est l'accréditation. La réforme de la biologie médicale proposée marque le passage d'obligations de moyens à des obligations de résultats tournées vers le patient. En effet, la régulation du système de santé repose principalement sur la qualité. Il s'agit de passer d'un système de normes réglementaires telles que la taille des locaux ou les quotas de personnels, à un système qui repose sur l'accréditation, véritable monitoring permanent, qui vérifie notamment la qualité de l'accueil, la qualité des résultats, la qualification permanente du personnel et la prise en compte des erreurs constatées. La certification, non adaptée à un domaine comportant une part technique importante, a été écartée. Elle n'apporterait pas les garanties nécessaires au patient. L'accréditation deviendra donc obligatoire pour tous les laboratoires de biologie médicale sur la totalité des examens. Une période transitoire est mise en place pour les laboratoires existant actuellement : la date buttoir de l'entrée en vigueur de l'obligation d'accréditation de 80 % des actes a été fixée au 1er janvier 2018 et celle de l'entrée dans la démarche d'accréditation au 1er novembre 2014. Il est ainsi proposé, notre rapporteur l'a rappelé, de repousser les délais initialement prévus par l'ordonnance portant réforme de la biologie médicale, ce qui me semble une mesure de bon sens. C'était une demande des professionnels, surtout ceux exerçant dans les petits laboratoires, pour qui ces délais apparaissaient comme étant trop courts pour atteindre les normes de qualité imposées pour l'accréditation. Il est important, dans un souci de préservation d'une biologie de proximité, d'assouplir le calendrier initial.
La démarche d'accréditation s'inscrit dans une logique suivie depuis de nombreuses années, depuis le guide de bonne exécution des analyses jusqu'à l'évolution des systèmes mis en place par les professionnels eux-mêmes. Grâce à l'accréditation obligatoire, la qualité technique mais aussi médicale sera reconnue et prouvée sur l'ensemble de l'acte, du prélèvement au rendu du résultat interprété. Toutefois, la santé n'est ni une science exacte ni un produit industriel. C'est pourquoi, alors que toute la profession aura à s'adapter à cette méthode, il est tout aussi crucial que l'accréditation, dans le complet respect des normes, s'adapte à la santé. On ne saurait accréditer un laboratoire de biologie médicale comme un laboratoire de recherche en métallurgie. Les incertitudes vont être définies, avec les professionnels que sont les pharmaciens et les médecins biologistes, de façon adaptée aux besoins. Ainsi, il s'agit de parvenir à garantir un niveau de qualité satisfaisant pour tous les examens sans fixer des objectifs qui seraient, de fait, inapplicables dans la pratique quotidienne de chaque laboratoire.
Certaines difficultés étant apparues dans la mise en application de l'ordonnance de janvier 2010, c'est la raison pour laquelle, à l'occasion de la discussion de la proposition de loi Fourcade du 13 juillet 2011, le rapporteur du texte, Valérie Boyer, avait intégré un article portant ratification de l'ordonnance, assortie de modifications attendues par les biologistes, notamment la réintégration des cabinets infirmiers dans les lieux de prélèvement pré-analytique autorisés et le report de la date d'accréditation par le COFRAC. Ce texte répondait également au risque de financiarisation grandissante de la profession de biologiste, risque qui a été souligné sur tous les bancs de cette assemblée. 25 % du capital des laboratoires de biologie médicale français est déjà détenu par des investisseurs financiers. Il s'agit donc de limiter la financiarisation du réseau des laboratoires de biologie médicale et de préserver l'indépendance de la profession. Ainsi, la proposition de loi Fourcade prévoyait-elle de soustraire les sociétés d'exercice libéral – les SEL – des biologistes médicaux du champ du 1er alinéa de l'article 5-1 de la loi du 31 décembre 1990, ce qui interdisait de fait la détention d'actions par des actionnaires non-biologistes susceptible leur assurer une position dominante dans la société. Cette proposition de loi avait été adoptée par les deux chambres.
Toutefois, le 4 août dernier, le Conseil constitutionnel, saisi par des députés socialistes, a censuré ces articles pour de pures raisons de forme. Il s'agit d'une annulation qui porte sur la seule procédure législative et non sur le fond des articles.
C'est pour cela que nous nous retrouvons ce soir afin d'étudier de nouveau un texte qui reprend l'ensemble de ces mesures et qui, je l'espère, sera rapidement adopté par les deux chambres afin que la biologie médicale soit enfin réformée. Je vous remercie.