Même si ce sont vos amis, je les cite…
Bien sûr, cela n'empêche pas Mme Parisot d'approuver l'amendement de la majorité fixant à 235 le nombre maximum de jours de travail par an pour les salariés au forfait. Quoi qu'il en soit, sa réaction témoigne de l'unanimité qui se fait jour dès lors qu'il s'agit de reconnaître que votre projet de loi ne respecte pas le principe de concertation préalable énoncé dans la loi de janvier 2007.
Mais il y a plus grave. Votre texte inverse un principe essentiel en droit du travail français quant à la hiérarchie des normes : l'accord de branche devient subsidiaire par rapport à l'accord d'entreprise. Ce sale boulot, il est vrai, avait été engagé par M. Fillon en 2004.
Il dénonce en outre tous les accords précédents sur la durée du travail – plus de 40 000 –, qui obéissaient la plupart du temps à la règle majoritaire. C'est à ce prix qu'ils déclenchaient les allégements de cotisations patronales. Ces derniers sont maintenus et prolongés pour les employeurs, qui continuent par ailleurs à bénéficier des gains de productivité réalisés. Mais les salariés, eux, sont sommés de renoncer aux contreparties qu'ils avaient obtenues en termes de temps de travail et de repos : c'est un véritable marché de dupes !
Enfin, vous donnez aux employeurs la possibilité de se passer d'accords avec les syndicats et de déréglementer le temps de travail, soit par décision unilatérale, soit par convention de gré à gré, et chacun sait que le lien de subordination met le salarié en position d'infériorité dans une pseudo-négociation.
Ce projet n'a qu'un seul mérite : la cohérence avec le revirement opéré par votre gouvernement sur la directive européenne relative au temps de travail – mais nous y reviendrons. Pour le reste, il constitue une offensive sans précédent contre notre droit du travail. Il vise à le démolir et à nier la notion même d'ordre public social puisque, pour résumer votre position, l'État n'aurait plus à s'immiscer de quelque manière que ce soit dans les rapports entre employeurs et salariés. Vous voulez nous faire croire à la fiction juridique de l'égalité des parties au contrat de travail, c'est-à-dire que vous niez la légitimité même d'un droit du travail et l'existence de droits fondamentaux que l'État a vocation à garantir, parmi lesquels le droit à une vie familiale normale, et surtout le droit à la santé.
Ce projet de loi augmente le temps de travail, accroît la flexibilité, fait reculer la maîtrise de leur temps par les salariés et porte atteinte à leur santé. Les forfaits en jours des cadres et des salariés itinérants ne seront plus soumis au maximum de 218 jours par an ; en l'absence d'accord d'entreprise ou de branche, ils pourront être imposés par convention individuelle modifiant le contrat de travail. Le président de la CGC annonce qu'il est maintenant possible pour les cadres de travailler jusqu'à soixante-dix-huit heures par semaine. La France a pourtant déjà été condamnée par l'Europe pour violation de la Charte sociale européenne. L'obstination et la morgue de votre gouvernement sont presque incroyables.