Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi qui retient notre attention illustre, s'il en était besoin, la réalité de notre sensibilité face aux difficultés sociales de nos concitoyens et devrait transcender nos familles politiques respectives.
Permettre à un salarié de céder ses RTT à un collègue afin que celui-ci puisse rester auprès de son enfant gravement malade, c'est le sens du texte de notre collègue Paul Salen.
L'idée est tout à fait pertinente. Cette proposition de loi, en effet, vise à combler un vide législatif : aujourd'hui, la loi n'autorise pas le salarié à faire don des heures de repos acquises. Le congé de soutien familial, qui permet d'interrompre pendant trois mois son activité pour s'occuper d'un proche handicapé ou très malade, ne fait l'objet d'aucune rémunération. Cette proposition de loi permet ainsi d'apporter une solution à des cas douloureux et d'assurer la présence d'un parent, lorsqu'elle est nécessaire, auprès de son enfant gravement malade.
J'ai bien compris que le bénéfice de ce transfert est réservé aux salariés de l'entreprise assumant « la charge d'un enfant âgé de moins de vingt ans atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident d'une particulière gravité rendant indispensable une présence soutenue et des soins contraignants ».
J'ai moi-même connu, dans l'espace géographique qui est le mien, une démarche qui n'est pas sans se rapprocher de celle que nous évoquons. Pour illustrer mes propos, qu'il me soit permis de vous donner lecture de ce que publiait l'agence AFP le 18 avril 2011 – vous excuserez mon émotion.
« Un appel au “don de RTT”, lancé dans l'entreprise Fuji-Autotech à Mandeure (Doubs), a permis à une salariée de se rendre régulièrement auprès de son mari hospitalisé à Besançon, sans perte de revenu, a indiqué lundi le secrétaire du comité d'entreprise […] »
« Salariée depuis trente ans chez ce sous-traitant de Peugeot qui emploie plus de 300 personnes, [elle] a bénéficié de la générosité de personnels ouvriers et cadres qui lui ont cédé soixante-cinq jours de RTT. “Ces dons sont anonymes. La personne souhaitant porter des RTT de son compte à celui de [la salariée] doit s'adresser au service paye et signer un formulaire”, a précisé à l'AFP le secrétaire du CE.
« Il a expliqué que cette chaîne de solidarité s'est créée lors d'une réunion, il y a plusieurs mois, entre la direction et quatre syndicats. Ils ont convenu de cette formule après en avoir examiné la faisabilité ». La salariée « a précisé à l'AFP n'avoir été prévenue qu'après coup de ce don en sa faveur » et « a ainsi pu – sans perte de salaire – se rendre fréquemment au chevet de son mari hospitalisé de longs mois à Besançon pour un lymphome des ganglions, qui a nécessité des séjours en chambre stérile et une greffe de la moelle osseuse. »
Chacune et chacun aura compris que cette proposition de loi correspond aux réalités que nous rencontrons sur le terrain. Je ne désespère pas, et mon souhait est certainement partagé, que, demain, ce texte soit étendu aux enfants majeurs comme aux époux qui se trouvent dans de telles situations. En tout cas, cette proposition de loi si pertinente et si humainement nécessaire ne peut que rencontrer notre adhésion.
Pour conclure mon propos, qu'il me soit possible de vous livrer ce que me confiait en substance l'abbé Pierre six mois avant de quitter cette terre pour l'au-delà : « La grandeur de l'homme ne se mesure pas à sa réussite professionnelle publique, à son statut social, à son compte en banque, mais à sa capacité de coeur et à sa générosité. » En examinant cette proposition de loi qui honore notre assemblée, il me semble que les paroles de l'abbé Pierre n'ont pas vieilli, et c'est tant mieux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)