Je souscris tout à fait à la logique générale voulue par notre excellent rapporteur. Il faut protéger nos entreprises, abandonner toute naïveté. Mais c'est parce que je veux appliquer complètement cette logique que je me suis permis de rédiger ce sous-amendement.
De quoi s'agit-il ? Ne soyons pas naïfs à l'égard des Américains. Il y a un véritable impérialisme juridique américain. Ce n'est pas une information que je vous livre. La moindre occasion est saisie par le juge américain pour s'emparer d'une affaire. Alors même qu'elle concerne deux pays complètement étrangers aux États-Unis, et qu'elle n'a aucun rapport avec les États-Unis, il suffit que des transactions aient été libellées en dollar pour que le juge américain se saisisse de cette affaire. Nous avons des exemples de contentieux de cette nature. Alors même qu'une affaire concerne deux entreprises situées en Europe, porte sur des biens en Europe, avec des clients en Europe, il suffit que ces entreprises aient rédigé leur contrat sous forme de courriels localisés dans des entreprises américaines pour que le juge américain s'autorise à s'emparer de cette affaire.
Nous devons donc nous donner les moyens de protéger nos entreprises. Nous disposions, à cette fin, de la loi de 1968, dite loi de blocage. Je comprends parfaitement, monsieur le rapporteur, que nous devons la moderniser. Ma conviction, malgré tout, est que nous devons garder le filtre du juge français. Quand un juge pénal américain, quand un juge civil américain, quand une autorité administrative indépendante américaine – je pense à la Securities and Exchange Commission, par exemple, qui est une autorité considérable – veut obtenir une information quelconque concernant une entreprise française, elle doit transiter par un juge français, par exemple dans le cadre d'une commission rogatoire. Des traités organisent cette pratique, qui se fait quotidiennement.
Ma crainte est que l'on déroge à cette règle. Elle devrait redevenir la norme, monsieur le ministre. Je propose donc, dans ce sous-amendement, qu'on en revienne à cette règle simple : le juge français est le filtre nécessaire, et il ne peut pas y avoir d'exception. Cela n'interdira pas au juge américain d'agir. Simplement, il devra passer par un juge français.
Or, l'amendement n° 1 rectifié de notre excellent rapporteur a pour effet que le filtre du juge français deviendra occasionnel, défini dans les conditions très précises qu'il décrit.
Ce que je vous propose, c'est de revenir au principe selon lequel il faut passer par le juge français. Il ne s'agit absolument pas d'aller à l'encontre de la logique générale voulue par notre rapporteur. Il s'agit au contraire d'y être fidèle, et de nous donner les moyens de veiller à ce que nos entreprises, en particulier celles qui sont le plus exposées à la concurrence américaine – il y en a – aient tous les moyens de se protéger.