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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 23 janvier 2012 à 21h30
Sanction de la violation du secret des affaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les louanges ayant déjà été tressées je me limiterai aux préventions que peut susciter le texte. Je ne reviendrai pas, du reste, sur celles que j'avais évoquées en commission le 11 janvier dernier sur la loi de blocage ; aussi vous livrerai-je quatre observations.

La première, Jean-Michel Clément l'a déjà souligné, concerne la lourdeur d'un dispositif qui apparaît plus accessible pour les grandes entreprises que pour les PME et les PMI. La rigidité des mécanismes qu'il recèle – c'est la CGPME qui le souligne – peut aller à rebours des exigences du monde des affaires.

Il est rare qu'une petite entreprise innovante, en pointe sur un marché, totalement engagée dans la compétition internationale, dispose de moyens juridiques, économiques ou tout simplement humains pour mobiliser et mettre en oeuvre le dispositif de classification et donc de protection que vous suggérez.

On peut par conséquent craindre que ce genre d'entreprise ne puisse y recourir, ce qui paradoxalement pourrait se révéler une circonstance aggravante pour elle. En effet, dans une procédure judiciaire, la partie défenderesse aurait beau jeu de signaler au juge l'absence de classification et de mettre en doute la nature sensible de l'intérêt économique source de litige.

Ainsi, l'impossibilité de recourir à un système de classification, en raison non pas de son défaut de pertinence mais de sa lourdeur et son coût, se transformerait en handicap aggravant la fragilité de l'entreprise.

Deuxième remarque : le dispositif que vous proposez ne fait pas disparaître ce qui m'apparaît comme la source du problème. En effet, plus que d'une carence législative, les entreprises souffrent d'un défaut de culture de sécurité économique.

Ainsi, de grandes entreprises, bien que sensibilisées aux menaces majeures, n'en négligent pas moins des règles élémentaires de sécurité ; le plus souvent, des PME et des PMI ignorent même cette question de la sécurité économique.

Aussi pourrait-on presque soutenir que votre texte revient à fournir des outils à des entités qui ne sauraient pas s'en servir ou qui ne comprendraient point leur utilité. Incidemment, cela souligne la nécessité de réaliser un travail considérable de sensibilisation et de créer une structure destinée à répondre à ces besoins latents, l'Agence pour la diffusion de l'information technologique, l'ADIT, ayant désormais d'autres objectifs et la délégation interministérielle à l'intelligence économique laissant, semble-t-il, les entreprises très insatisfaites.

En sus, votre texte et notre débat ne doivent pas exonérer les entreprises d'une réflexion sur la manière dont circule l'information dans et en dehors des murs. À quoi bon se protéger si, comme Apple en a fait l'expérience en septembre 2011, le projet de l'iPhone 5 est divulgué par un salarié qui en oublie un prototype sur le comptoir d'un bar de San Francisco ?

De surcroît, votre proposition ne semble pas tenir compte de la carence de notre organisation policière. Ainsi, quel service policier enquêterait en matière de compromission du secret des affaires ?

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