On était un peu sur le mode : « passe-moi le séné, je te passe la rhubarbe ».
Bernard Carayon milite depuis des années pour la reconnaissance du droit au respect du secret des affaires et la sanction de sa violation.
Le renforcement de la protection juridique de nos grandes entreprises est un enjeu d'intérêt général, en particulier face à ceux de leurs concurrents qui instrumentalisent le droit ou les procédures juridictionnelles à des fins déloyales ou dans les cas cités où d'anciens dirigeants et salariés indélicats tentent de vendre des données sensibles au plus offrant.
Faut-il créer une infraction spécifique aux contours aussi larges, au risque de porter atteinte au droit à l'information ? C'est là que réside notre principal point de désaccord avec vous.
Pour être plus clair, monsieur le rapporteur, s'agit-il de protéger M. Carlos Ghosn, qui en toute impunité jette aux chiens l'honneur de trois de ses salariés dans une rocambolesque affaire d'espionnage digne d'un mauvais feuilleton américain ?
Vous fondez une grande partie de votre argumentaire sur les insuffisances de notre législation et les lacunes de la jurisprudence en matière de protection du patrimoine immatériel des entreprises. Il faut pour le moins nuancer ce constat. Nous disposons d'ores et déjà d'un arsenal juridique conséquent et la jurisprudence s'est considérablement assouplie depuis l'arrêt de la Cour de cassation du 4 mars 2008, dans lequel « est reconnu le vol d'information indépendamment du vol de son support ».
De plus, de nombreuses dispositions pénales protègent un large spectre d'informations, qu'il s'agisse d'un secret de fabrication breveté, du secret professionnel, de l'intrusion dans un système informatique ou même de l'atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation.
Les tribunaux font surtout fréquemment usage en la matière de la qualification d'abus de confiance, qui consiste « dans le détournement ou la dissipation, frauduleusement commise, de choses remises au délinquant, à charge pour lui de les rendre ou représenter ou d'en faire un emploi déterminé ».
Là où vous voyez le verre à moitié vide et soulignez à l'excès les insuffisances de notre législation, nous le voyons pour notre part aux trois quarts plein.
Quel dommage, monsieur le rapporteur, que vous ne fassiez preuve du même entrain et du même enthousiasme pour combattre les paradis fiscaux…