Le deuxième volet est la création du délit de violation du secret des affaires. L'infraction est précisément définie. L'élément matériel consiste dans la révélation d'une information protégée relevant du secret des affaires. La révélation est une notion déjà employée à plusieurs reprises dans le code pénal, et encadrée par la jurisprudence. La tentative ne sera pas incriminée. Seules les personnes dépositaires de l'information, ou les personnes en ayant eu connaissance, comme des mesures de protection qui l'entourent, pourront être sanctionnées : il s'agit d'une infraction intentionnelle, ne pouvant être commise par imprudence.
D'importantes garanties sont prévues : ce n'est en aucun cas l'entreprise qui déterminera le champ d'application de l'infraction. L'adoption de mesures de protection n'est en effet qu'un critère, indispensable, mais secondaire. Elle ne suffira pas à conférer la nature d'« informations protégées » à l'information en cause. Il n'en sera ainsi que si toutes les autres conditions sont réunies, et c'est le juge pénal, et lui seul, qui sera compétent sur ce point. C'est un élément clé selon l'avis du Conseil d'État.
Le secret des affaires sera inopposable à la justice – à la différence du secret de la défense nationale –, de même qu'aux autorités administratives dans l'exercice de leur mission de surveillance, de contrôle ou de sanction, ce qui inclut notamment les services de police, de douane, de renseignement, et les autorités administratives indépendantes, telles que l'Autorité de la concurrence, l'Autorité des marchés financiers ou encore la CNIL, y compris dans l'exercice de leurs pouvoirs d'enquête.
Trois faits justificatifs sont prévus : aucune sanction n'est applicable si la divulgation répond à un ordre ou à une permission de la loi, à la dénonciation de faits susceptibles de constituer une infraction ou un manquement, ou si le juge a ordonné ou autorisé la production de la pièce concernée. Aucune sanction disciplinaire ne pourra être prononcée en cas de signalement aux autorités compétentes dans ces conditions.
Illustrons l'importance de ces garanties : un salarié d'une entreprise qui dénoncerait des pratiques contraires au code de la santé publique, par exemple, – est-il besoin de nommer les entreprises auxquelles je songe ? – n'encourrait aucune sanction, ni pénale, ni disciplinaire, même si l'entreprise considérait que le procédé de fabrication de ses prothèses médicales, par exemple, relevait du secret des affaires.
Ces garanties ont été renforcées, à mon initiative, par la commission des lois, afin de répondre à une préoccupation exprimée par le syndicat de la presse nationale quotidienne, concernant l'impact de ce texte sur les journalistes. L'une de leurs suggestions, visant à permettre à une personne poursuivie pour diffamation de produire pour sa défense des pièces couvertes par le secret des affaires, afin d'établir sa bonne foi ou la vérité des faits, sans être poursuivie pour recel, a été intégrée à l'article 3 de la proposition. C'est ce qui est déjà prévu, depuis la loi du 4 janvier 2010 sur la protection du secret des sources des journalistes, pour le secret de l'enquête ou de l'instruction et le secret professionnel.
Les peines prévues dans le texte initial que j'ai déposé étaient celles prévues en cas de violation du secret professionnel : un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. Tous les praticiens que j'ai auditionnés ayant souligné le caractère très insuffisant de ces peines et préconisé leur alignement sur celles prévues en cas d'abus de confiance, soit trois ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende, la commission des lois a adopté un amendement procédant à cette modification. Les peines seront ainsi adaptées à la nature de cette infraction, qui relève de la délinquance économique. J'approuve d'ailleurs entièrement le nouvel emplacement au sein du code pénal que propose par le Gouvernement : il correspond davantage à ce nouveau délit.
Le troisième volet est la réforme de la loi dite de blocage. Cette loi, oubliée et largement méconnue, est la loi du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques morales ou étrangères, modifiée par la loi du 16 juillet 1980. Elle est appelée « loi de blocage » parce que son objectif était, lors de son adoption, de fournir une excuse légale aux entreprises françaises confrontées à des demandes d'informations émanant d'autorités étrangères et d'obliger ces dernières à faire usage des canaux de coopération judiciaire qui font l'objet de la convention de La Haye du 18 mars 1970. Étaient visées, en particulier, les procédures américaines dites de discovery, qui ont trop souvent pour objet d'aller à la pêche à la preuve et aux informations confidentielles détenues par nos entreprises.