Monsieur le président, monsieur le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, mes chers collègues, François Mitterrand, dans sa Lettre à tous les Français, évoquait, en avril 1988, la « guerre économique mondiale », soulignant que « l'économie mondiale » n'est qu'un « champ de bataille où les entreprises se livrent une guerre sans merci », une guerre « totale et générale » où le « relâchement ne pardonne pas ». Ce constat est plus vrai que jamais : l'économie s'est totalement mondialisée, la concurrence est devenue plus conflictuelle et plus déloyale que jamais avec la crise, les États, partout, jouant un rôle accru pour protéger et accompagner leurs entreprises à la conquête des marchés mondiaux. Le patrimoine des entreprises, lui-même, prend de plus en plus la forme d'informations dématérialisées, d'autant plus faciles à dérober que les techniques d'intrusion dans les réseaux, privés comme publics, se sont sophistiquées.
Le sujet que nous abordons, loin d'être partisan, est d'intérêt national : c'est la raison pour laquelle j'ai entamé mon propos par une citation de l'ancien président de la République, François Mitterrand. Protéger le secret des affaires, c'est protéger des emplois, des technologies sensibles, des investissements, lutter contre la désindustrialisation et, dans certains cas, garantir nos indépendances dans les secteurs stratégiques. La sécurité économique des entreprises ne peut d'évidence être laissée au seul ressort contractuel ; elle exige l'intervention des pouvoirs publics.
Beaucoup de pays l'ont bien compris : aux États-Unis, la loi sur l'espionnage économique de 1996 est issue d'une initiative bipartisane, présentée par un représentant républicain et deux représentants démocrates ; dans le même esprit, la proposition de loi adoptée le 8 décembre dernier par la commission des lois du Sénat américain, vise à renforcer cette loi, en portant les sanctions de quinze à vingt ans. Il serait heureux qu'il en soit de même en France. Le vote unanime de ce texte à la commission des lois, et le soutien que lui a apporté notre collègue Jean-Michel Boucheron, ancien président de la commission de la défense, constituent des signes encourageants à cet égard. J'espère qu'ils seront ce soir suivis de nombreux autres !
La présente proposition de loi vise à combler une lacune de notre droit. En effet, face à la multiplication des atteintes au secret des affaires, notre arsenal juridique est inadapté.
Les violations au secret des affaires se sont multipliées au cours des dernières années. Quelques affaires, fortement médiatisées, l'ont illustré : en 2005, une étudiante de nationalité chinoise ayant effectué un stage au sein de l'équipementier Valeo a exporté plusieurs fichiers informatiques confidentiels de cette société sur son disque dur personnel. En 2007, un ancien ingénieur de Michelin, qui travaillait dans un centre de recherche, pourtant classé « établissement à régime restrictif », a collecté un nombre considérable d'informations confidentielles et a cherché à les vendre à des entreprises étrangères. Ces exemples ne constituent que la partie émergée de l'iceberg. En effet, dans de nombreux cas, les entreprises préfèrent ne pas porter plainte, afin de ne pas altérer leur image. Dans d'autres, le parquet décide de ne pas poursuivre, parce que l'atteinte en cause ne pourrait être réprimée par les infractions existantes, dont les éléments constitutifs ne sont pas réunis.
Selon les services de l'État, le nombre de ces attaques est en forte croissance, et s'élèverait à environ 1 000 par an, une large part d'entre elles constituant des atteintes au secret des affaires. Les secteurs les plus touchés sont l'aéronautique, la filière de l'énergie nucléaire, les laboratoires de recherche, le secteur automobile et la sidérurgie. Le préjudice économique causé est évidemment impossible à évaluer.