Pour avoir été pendant quarante ans médecin généraliste et responsable de l'organisation des gardes, je n'ignore pas que le problème est immense. Mais je sais aussi qu'on ne pourra jamais faire de médecine sans médecins, ni réformer son exercice contre eux. Que les médecins ne souhaitent plus s'installer en libéral, travailler à l'hôpital ni aux urgences, où on est obligé de faire appel à des médecins étrangers, qu'on ne trouve plus de médecins du travail, est bien le signe d'un problème. Lorsque je faisais mes études, les étudiants avaient une véritable vocation pour la médecine. Aujourd'hui, beaucoup de ceux qui réussissent le concours d'entrée dans la filière, avec numerus clausus, font médecine sans savoir ce qu'ils font ni ce qu'ils ont vraiment envie de faire. L'addition de textes comme celui-ci n'y pourra rien changer. Lorsque j'ai arrêté d'exercer, je n'ai pas trouvé de remplaçant, dans une zone pourtant surdotée, et ce alors même que je faisais cadeau de la clientèle. Tous les repreneurs éventuels trouvaient que je travaillais trop…
Le problème de la médecine générale est très complexe. Ce texte, important, déposé en extrême fin de législature, vient trop tard. De plus, il n'a pas fait l'objet d'une concertation suffisante avec l'ensemble de la profession et ses instances. Non seulement il ne réglera rien, mais, de plus, il mécontentera encore davantage les médecins, qui s'installeront encore moins. Je connais déjà beaucoup de médecins femmes qui ont préféré devenir enseignantes en collège ! Comment ferez-vous pour obliger à exercer les 50 % de médecins qui ne le souhaitent pas ? Quoi que l'on fasse, il ne pourra y avoir de médecine sans médecins.