Je remercie chacun des intervenants de s'être exprimé avec passion et engagement.
Je le dis à Guy Lefrand, cette proposition de loi n'a pas été rédigée à la va-vite, sur un coin de table. J'y ai beaucoup travaillé. Professionnel de santé depuis trente ans, j'ai beaucoup lutté dans mon territoire contre la désertification médicale et ai même contribué à le redensifier dans ma spécialité, la biologie médicale. Notre collègue Nicolas Perruchot, député du Loir-et-Cher, pourra en témoigner : depuis 2004, date à laquelle compétence a été donnée aux régions en matière de formation, je n'ai cessé, puisque je suis également conseiller régional, de déplorer que celles-ci n'assument pas leurs responsabilités en matière de formation aux métiers para-médicaux et n'aient pas augmenté l'offre comme il l'aurait fallu. Je redisais hier encore au président de la région Centre que ce problème de désertification médicale était l'affaire de tous.
À ceux qui croient que ce texte n'a été précédé d'aucune concertation, ni avec les syndicats, ni avec les instances ordinales ni avec les praticiens eux-mêmes, j'indique que j'ai consulté pendant toute une année, y compris les syndicats d'internes. Ayant moi-même une fille qui fait l'internat de médecine, cela n'a d'ailleurs pas toujours été simple !
Face à la situation actuelle, nous ne pouvons pas rester inactifs, d'autant qu'en effet, gauche et droite devraient pouvoir se retrouver sur ce sujet.
Permettez-moi un bref retour en arrière. En 1990, la gauche a divisé par deux le numerus clausus, pensant qu'en diminuant le nombre de prescripteurs, on diminuerait les dépenses de santé. Puis en 2000, elle a réformé l'internat en allongeant de deux ans la formation des généralistes – y compris pour les étudiants qui étaient déjà engagés dans le cursus ! Existe-t-il une seule autre profession où les intéressés ne s'installent en moyenne qu'à 39 ans, soit dix ans environ après avoir terminé leurs études ? Et si seuls 9 % s'installent aujourd'hui en libéral, contre 40 % il y a seulement quinze ans, c'est bien qu'il y a un malaise. Les jeunes généralistes recherchent une forme de sédentarisation au travers des remplacements qu'ils effectuent dans plusieurs cabinets.
Je regrette que Guy Lefrand refuse même de voir les points sur lesquels nous pourrions avancer ensemble. Ma proposition de loi n'est pas née de rien. Elle vient après la loi « HPST », après la proposition de loi « Fourcade ». Elle s'explique aussi parce que je suis l'élu d'un département de la région Centre qui partage, avec la Picardie, le triste privilège d'être la « championne » des déserts médicaux.
La gauche, dont j'ai rappelé les hauts faits lorsqu'elle a été au pouvoir, reproche à la droite de n'avoir rien fait depuis lors. C'est faux, même si ce qui a été fait est insuffisant, surtout au vu des perspectives. J'ajoute que, dans certains départements, on est arrivé au bout du bout après que tout a été tenté – dans le mien, le conseil général, dont ce n'est pourtant pas l'une des compétences, a ouvert des bourses, proposé des logements aux étudiants, institué des primes kilométriques incitatives. Il est de mon devoir, sans noircir le tableau, d'alerter sur la situation.
Monsieur Paul, reconnaissez au moins le mérite à M. Xavier Bertrand d'avoir relevé le numerus clausus, alors que vos amis l'avaient fait s'effondrer. La proposition de loi « Fourcade » comportait aussi une intéressante proposition avec les sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (SISA), nouvelle structure destinée à faciliter le déploiement des maisons de santé pluriprofessionnelles.
Il ne m'amuse pas, madame Fraysse, que vous traitiez ce texte de « mauvaise plaisanterie ». Votre liberté de ton est déplacée sur un sujet aussi grave.
Nous n'opposons pas médecine publique et médecine privée. Nous souhaitons que les deux puissent travailler ensemble, car on a besoin des deux.
Nous ne souhaitons pas non plus, comme un maire de la Sarthe qui vient d'embaucher dans sa commune deux médecins généralistes, aller vers une fonctionnarisation de la médecine. Nous voulons que des médecins continuent de s'installer en libéral.
Vous vous demandez comment les mesures proposées pourront être mises en oeuvre concrètement. Sachez que nous avons très précisément regardé, dans la région Centre par exemple, avec la commission médicale de l'offre de soins, en lien avec le conseil de l'ordre et la faculté de médecine de Tours, comment cela serait possible.
Je propose que tout interne, de médecine générale ou de spécialité, fasse un stage de douze mois – contre six aujourd'hui – dans une maison de santé ou un hôpital d'un territoire en déficit d'offre de soins. Ces six mois supplémentaires s'intégreront dans le cursus actuel : ils n'en rallongeront pas la durée.
Puis-je rappeler que l'internat régional, qui avait été un succès, avait failli être rétabli, à une voix près dans l'hémicycle ? Comme le confirme un récent sondage, 70 % des Français habitent dans la région dans laquelle ils sont nés et ont grandi, car ils y ont des attaches. Je crois à la fidélisation à un territoire au cours de la formation. À Châteaudun, sur nos quatorze généralistes actuels, neuf avaient été, du temps où existait encore l'externat en médecine, externes durant deux semestres dans notre petit hôpital. C'est alors que leur a été donnée l'envie de s'installer sur ce territoire et d'y exercer la médecine libérale.
Je remercie Bérengère Poletti de son soutien et de son engagement sans faille.
Jacques Domergue a raison d'évoquer le problème des disparités infra-régionales. À Nice ou à Biarritz, on est en zone surdotée. Mais à 27 kilomètres de Biarritz et à 16 kilomètres seulement de Nice, on est en zone sous-dotée. C'est bien pourquoi l'ensemble du territoire national est concerné. Les mesures de régulation que je propose sont vraiment minimales. Ainsi, en région Centre, il sera possible de s'installer partout, sauf à Tours, de même partout en Auvergne, sauf à Clermont-Ferrand, ou bien encore partout dans les Pays de Loire, sauf à Nantes, Angers, et dans une frange de quinze kilomètres le long de la côte atlantique, et en Limousin, ce sera possible absolument partout. J'invite donc à la mesure ceux qui prétendent que nous mettons à bas la liberté d'installation. Les restrictions posées sont minimes, tout en permettant de garantir aux patients un meilleur accès aux soins.