Le groupe socialiste est heureux que cette proposition de loi soit examinée la semaine prochaine en séance publique. Cela donnera l'occasion, une fois de plus, de débattre de l'offre de soins, des déserts médicaux et de l'organisation de notre système de santé, qu'il convient de faire évoluer en profondeur – sur ce point, Guy Lefrand n'a pas tort.
Nous pourrions même applaudir des deux mains à ce texte qui prend, enfin, acte du drame des déserts médicaux dans certains territoires. Cela nous change des dénis entendus de la part des ministres successifs. M. Xavier Bertrand notamment nous a expliqué d'innombrables fois qu'il ne fallait surtout pas chercher à réguler, par quelque moyen que ce soit, l'installation des professionnels de santé, en particulier des médecins, et surtout des généralistes. Le problème, apparu il y a plus d'une dizaine d'années, s'est pourtant aggravé. Il concerne désormais aussi bien les villes que les campagnes, et maintenant plus des deux tiers du territoire national.
Cette proposition de loi porte un diagnostic implacable. Les pouvoirs publics ont été totalement impuissants ces dernières années. Aucun résultat n'a été obtenu, par manque de vision sans doute, mais surtout par manque de courage. Comme nous l'avons déjà dit lors de l'évaluation de l'application de la loi « HPST », cinq ans ont bel et bien été perdus dans la lutte contre les déserts médicaux.
Il est clair que les incitations ne suffisent pas et qu'une régulation est indispensable. Cette proposition de loi prolonge des propositions faites ici, sur divers bancs, depuis cinq ans.
Mais pourquoi ce texte maintenant ? En effet, vous avez eu au moins trois occasions de faire avancer la cause d'intérêt général que vous défendez aujourd'hui, et sur laquelle nous pourrions nous retrouver. Tout d'abord, la loi « HPST », présentée après les États généraux de l'offre de soins, organisés à grand spectacle. Ensuite, la proposition de loi du groupe socialiste sur le bouclier rural, dont certaines dispositions, pour n'être pas strictement identiques aux vôtres, n'en allaient pas moins dans le même sens. Enfin, la proposition de loi du sénateur Fourcade…dont vous vous êtes plutôt saisis pour détricoter les quelques mesures de régulation que comportait la loi « HPST ». Je ne parle même pas des projets de loi de financement de la sécurité sociale, lors de l'examen desquels la question des déserts médicaux est systématiquement évoquée depuis maintenant plusieurs années. Pourquoi nos collègues de l'UMP – et ils sont nombreux à avoir signé cette proposition de loi du groupe Nouveau Centre – ont-ils ainsi accepté que cinq ans soient perdus ? Pourquoi cet écran de fumée à quelques semaines de l'élection présidentielle ?
Deuxième question : pourquoi une approche aussi déséquilibrée ? Nous sommes partisans de modes de régulation. La liberté d'installation ne peut plus être un sujet tabou, et il est des impératifs d'intérêt général qui nous imposeront dans les années à venir, puisque vous ne l'avez pas fait, de trouver des moyens de réguler les installations. Mais cela ne peut dispenser, tout d'abord d'une concertation avec le corps médical – nous avons reçu hier ses représentants –, ensuite d'incitations ou de mesures plus générales ayant trait à l'environnement de l'exercice médical. Les maisons de santé sont une bonne initiative de ce point de vue, et nous les portons à bout de bras dans nos territoires. Nous apprécierions d'ailleurs que le Gouvernement cesse de les revendiquer : elles sont portées par les professionnels d'abord, par les élus locaux ensuite, l'État n'intervenant que parfois comme co-financeur. Leur création avait commencé bien avant la loi « HPST », dès lors qu'il y avait une volonté locale. En revanche, sans volonté locale, il n'y a personne pour prendre le relais au niveau national.
Qu'il faille de la régulation ne dispense pas d'améliorer l'attractivité des conditions d'exercice de la médecine générale : cela passe par de nouveaux modes de rémunération dans les zones déficitaires, une bonne organisation de la permanence des soins – on en est loin ! – ainsi que des urgences – on en est encore plus loin ! Certaines agences régionales de santé regroupent aujourd'hui des SAMU à l'échelle régionale, ce qui fait perdre en proximité dans l'organisation à la fois des secours et du parcours de soins des patients.
Les motifs d'inquiétude en matière de santé sont nombreux dans nos territoires et, pour une large part, dissuadent les jeunes médecins de s'installer. Ceux-ci ne veulent pas être complices ou victimes de ce manque d'organisation.
La mission d'information sur l'offre de soins sur l'ensemble du territoire, dont notre collègue Marc Bernier était le rapporteur, avait formulé plusieurs propositions intéressantes, que notre commission avait d'ailleurs adoptées à l'unanimité, mais qui n'ont, hélas, jamais eu le moindre début de traduction. Nous avions pourtant traité de la réforme des études médicales, des politiques de stage…
Plus globalement, il faut revoir les modes d'organisation et de rémunération de l'exercice médical. On ne peut pas traiter de l'offre de soins sous l'angle exclusif de l'installation – cela explique le déséquilibre de cette proposition de loi. Il faut certes réguler les installations, mais il est besoin d'un deal global avec les professions de santé. Cette ultime tentative, à quelques mois des échéances électorales, n'est pas de nature à régler sérieusement le problème.
S'agissant de la liberté d'installation, nous sommes en désaccord total avec les amendements proposés par Guy Lefrand et Jean-Pierre Door, visant à supprimer tous les articles de cette proposition de loi. Leur défense de l'exercice libéral de la médecine, pour le coup très maladroite puisqu'elle risquerait de le faire purement et simplement disparaître, repose sur une analyse archaïque de ce qu'est aujourd'hui la médecine, générale en particulier. Des réformes courageuses seront indispensables.
Au total, si nous saluons le travail du rapporteur, cela ne signifie pas que nous puissions, en l'état, le suivre véritablement.