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Intervention de Guy Lefrand

Réunion du 18 janvier 2012 à 9h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Lefrand :

Entre l'augmentation des maladies chroniques, le vieillissement de la population et l'évolution de la démographie médicale, les défis sanitaires que notre pays doit relever sont nombreux. La majorité est consciente depuis longtemps de la nécessité de réorganiser l'offre de soins ; elle sait qu'il existe, en matière sanitaire, des inégalités non seulement territoriales mais aussi financières, dont ne parle pas cette proposition de loi quelque peu réductrice. Le groupe UMP s'y opposera donc. Je suggérerai néanmoins quelques pistes.

En premier lieu, il me semble réducteur de limiter le problème à l'installation.

Deuxièmement, le texte ne vise que l'exercice libéral, dont se détournent aujourd'hui 90 % des étudiants. Il est à craindre que de nouvelles mesures coercitives ne fassent purement et simplement disparaître la médecine libérale.

Par ailleurs, la proposition de loi ne distingue pas entre médecine générale et médecine spécialisée. À cet égard, l'article 2 me paraît totalement irréaliste : comment, par exemple, faire venir un interne en neurochirurgie dans un territoire dépourvu d'hôpital ou de maison de santé ?

Vous ne dites pas non plus si votre texte ne s'adresse qu'aux futurs étudiants, ou aussi à ceux qui ont commencé leur cursus, lesquels sont attachés à ne pas voir changer les règles qui leur seront appliquées.

Les articles 5 et suivants, quant à eux, remettent en cause les dispositifs conventionnels déjà applicables aux infirmiers libéraux, ainsi que les négociations en cours avec les masseurs-kinésithérapeutes et les sages-femmes. Un consensus a été trouvé sur des méthodes de zonage assorties d'aides financières ; or ces aides disparaîtraient si votre texte était adopté.

Le risque majeur reste cependant, à nos yeux, celui d'une disparition complète de la médecine libérale. La Fédération hospitalière de France (FHF) s'est d'ailleurs exprimée en ce sens il y a quelques jours, en proposant d'intégrer les médecins dans les structures hospitalières. Le projet du parti socialiste propose lui aussi un maillage du territoire « hospitalo-centré », la médecine ambulatoire étant appelée à s'organiser comme elle le peut autour des hôpitaux.

Pour nous, ce n'est pas la bonne solution. La disparition de la médecine libérale, que vous proposez, aurait pour conséquence l'institution d'une médecine salariée, voire d'une fonctionnarisation de la médecine, avec un temps de travail divisé par deux. Si les maisons de santé ont du mal à recruter des praticiens libéraux, elles n'en ont aucun pour trouver des médecins salariés. Simplement ceux-ci souhaitent ne travailler que 35 heures par semaine, avoir sept semaines de congés payés et autres réductions du temps de travail… Restreindre l'accès à la médecine libérale, c'est de facto réduire le temps médical, déjà insuffisant. Ce serait de surcroît contradictoire avec les objectifs de la loi « HPST » qui pose que la médecine de premier recours doit être la médecine ambulatoire.

Nous pensons qu'il faut réfléchir à l'organisation globale de la santé, pas seulement des soins, en traitant par exemple aussi de médecine préventive.

Beaucoup a certes été fait par notre majorité, mais les résultats ne sont pas encore parfaitement nets. On rencontre toujours des difficultés juridiques et financières pour créer des maisons de santé. Celles-ci doivent être vraiment inter-professionnelles et intégrer la télémédecine, sur laquelle nous avons beaucoup légiféré mais qui peine à se mettre en place pour de multiples raisons, financières notamment. Nous avons de même beaucoup travaillé pour inciter à l'installation dans les zones défavorisées : reste maintenant à élaguer le maquis touffu des aides existantes, difficiles à mettre en oeuvre, entre autres parce qu'on a du mal à s'y retrouver. Il faudrait enfin réfléchir à une mixité des rémunérations, qui est l'une des pistes pouvant permettre de résoudre, en partie, les problèmes de démographie médicale.

Il manque à cette proposition de loi un volet organisationnel très important, concernant notamment les relations entre la médecine ambulatoire et la médecine hospitalière mais aussi la répartition des tâches entre professions de santé, qu'il serait possible d'améliorer avec de nouveaux modes d'exercice collectif. Une meilleure organisation des soins pourrait permettre de doubler le temps médical disponible. Les pédiatres ne devraient pas avoir à passer la moitié du temps d'une consultation à déshabiller et rhabiller un bébé ! De même, le simple suivi de la tension artérielle devrait pouvoir être assuré par d'autres professionnels de santé.

Il faudrait aussi revoir la formation. Les conseils nationaux professionnels, mis en place par la loi « HPST » et fédérés au sein de la Fédération des spécialités médicales (FSM), doivent repenser la formation initiale. Il n'y a plus du tout de mixité sociale dans le recrutement des étudiants en médecine. Les programmes devraient être revus, notamment celui de première année, ainsi que le mode de sélection pour l'internat. Aujourd'hui, les médecins généralistes ne sont plus sélectionnés que par la frustration. Il faudrait encourager la validation des acquis et faire en sorte que la sélection se fonde sur la motivation, et non, par défaut, sur l'échec à un concours.

Nous préférerions, pour notre part, qu'on libère les initiatives de terrain, foisonnantes mais trop souvent bridées, et qu'on écoute les propositions, nombreuses, de l'ensemble des professionnels de santé, médecins ou non. Beaucoup d'expérimentations de terrain ont été conduites, qui ne sont ni assez connues ni assez reconnues.

Nous préférons l'incitation à la coercition, la confiance à la stigmatisation, le développement de la pratique interprofessionnelle au communautarisme des professions de santé, la liberté à la bureaucratie, toujours sclérosante.

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