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Intervention de François Chérèque

Réunion du 11 janvier 2012 à 16h15
Commission des affaires sociales

François Chérèque, secrétaire général de la CFDT :

Je vous remercie de nous donner l'occasion de nous exprimer sur ce texte, déposé à la suite d'une polémique concernant les travaux de la commission d'enquête sur les mécanismes de financement des organisations syndicales d'employeurs et de salariés, dont le rapport n'a pas été adopté. Bien qu'il ne puisse pas être divulgué, ce rapport a suscité un climat de suspicion sur le financement des organisations syndicales, notamment celles des salariés.

Outre que la proposition de loi n'a pas fait l'objet d'une grande concertation, elle risque d'entraver une démarche engagée par les partenaires sociaux pour rendre les comptes des comités d'entreprise plus transparents. En février 2011, quatre confédérations, la CFE-CGC, la CFDT, la CGT et la CFTC ont saisi, ensemble, le ministère : nous souhaitions régler au plus vite le problème posé par l'impossibilité d'appliquer les dispositions du code du travail pour l'approbation et la certification des comptes des comités d'entreprise. Le ministère a donné une suite favorable à notre démarche en novembre 2011 – la réponse était un peu tardive, mais tout de même antérieure au dépôt de la proposition de loi. En tout état de cause, ce retard n'est pas imputable aux organisations de salariés.

A la demande du ministre, un groupe de travail a été constitué pour remédier aux lacunes de la réglementation. Il s'est réuni une première fois il y a quelques jours, et il nous semble important de laisser ce travail aller jusqu'à son terme. Afin que la proposition de loi ne soit pas contreproductive, nous souhaitons une convergence avec les conclusions qui devraient être rapidement remises.

Quant au présent texte, j'observe que seuls seraient concernés les grands comités d'entreprise, lesquels ne représentent qu'entre 2 et 3 % du total – il y a 50 000 comités d'entreprises dans notre pays. J'ajoute que la loi devrait se limiter aux principes généraux : elle ne doit pas entrer dans les détails, sans quoi elle serait inapplicable.

Sur le fond, il est évidemment nécessaire que les comités d'entreprise établissent leurs comptes, selon des normes déjà en vigueur ou à définir. Il faut assurer la transparence des comptes de tous les comités d'entreprise, quel que soit leur taille, dans l'intérêt des salariés. Ce sont eux les bénéficiaires de l'action des comités qui sont, en quelque sorte, l'extension de l'activité des entreprises.

La certification des comptes doit avoir lieu à partir d'un certain seuil, à déterminer, car la transparence a un coût. Comme je l'ai rappelé devant la commission d'enquête, le coût de la transparence des comptes des organisations syndicales, que nous avons souhaité établir en signant un accord interprofessionnel avec la CGT et le MEDEF, est compris entre 200 000 et 300 000 euros pour notre organisation. Il ne faudrait pas que ce coût conduise à une remise en cause des capacités financières des comités d'entreprise, lesquels sont également appelés à exercer un contrôle économique sur l'entreprise. Nous devons éviter tout recul de leurs possibilités d'intervention dans ce domaine.

La première réunion avec le ministère du travail nous a permis de recenser l'ensemble des points à traiter au plan législatif, ainsi que les décrets nécessaires pour une application efficace du principe de transparence. Suivant l'agenda que nous avons élaboré, les travaux devraient s'achever au plus tard en avril. Nous souhaitons, bien sûr, une coordination entre la proposition de loi et le travail que nous réaliserons – il serait dommage qu'un texte de loi voté dans la précipitation et sans préparation vienne le contrarier.

J'en viens au contexte : le Président de l'Assemblée nationale a souhaité que nous puissions nous exprimer sur le débat suscité par la décision de ne pas publier le rapport de la commission d'enquête. Je m'en félicite, mais nos échanges ne suffiront malheureusement pas à dissiper l'ambiance de suspicion qui s'est établie. Nous sommes conscients, pour notre part, que chacun doit balayer devant sa porte. C'est ce que nous faisons, y compris dans les cas les plus douloureux – je pense en particulier à SeaFrance.

À ma connaissance, nous sommes les seuls, parmi les organisations syndicales ou les partis politiques, à avoir publiquement pris nos responsabilités à l'égard de membres n'agissant pas dans la légalité. À la CFDT, nous n'avons pas peur de la transparence : nous la revendiquons et nous l'appliquons depuis de nombreuses années. Nous avons ainsi décidé que nos comptes seraient certifiés et publiés avant même que la loi ne l'impose, et toutes nos fédérations ont publié leurs comptes en décembre dernier.

Comme le rapport de la commission d'enquête n'a pas été publié, il m'est impossible de le commenter. La CFDT a d'ailleurs porté plainte contre sa divulgation dans la presse : nous nous sommes sentis leurrés. Je reviendrai seulement sur un élément cité par les médias : 4 milliards d'euros seraient affectés au financement des organisations syndicales. Les trois quarts de ce montant correspondent, en réalité, aux heures de délégation dont bénéficient les délégués du personnel et les élus des comités d'entreprise, et aux moyens de fonctionnement de ces mêmes comités. Oserait-on dire, de la même façon, que les indemnités des députés, des sénateurs, des maires et des conseillers municipaux servent à financer les partis politiques ? Je comprends que le rapport n'ait pas été adopté : il remettait en cause la démocratie par délégation. De même que l'ensemble des mandats publics, les mandats des délégués du personnel et ceux des élus des comités d'entreprise sont de nature délégative. Ils visent à rendre un service aux électeurs, et non à une organisation syndicale ou à un parti politique. Je ne comprends donc pas le débat qui s'est engagé. Si l'on commence par s'attaquer aux organisations syndicales, jusqu'où ira-t-on ?

Les trois premiers articles de la proposition de loi imposent des obligations générales qui me paraissent aller dans le bon sens. Nous souhaiterions, en revanche, que le contenu de l'article 4, relatif aux appels à concurrence, soit renvoyé à des décrets élaborés dans le cadre d'une concertation avec les organisations syndicales. Ce qui est prévu me semble, par ailleurs, trop limitatif : il y a certes la question du seuil des appels à concurrence, mais aussi celle de l'utilisation des cartes bancaires et celle de l'argent liquide. D'autres aspects du fonctionnement des comités d'entreprise au plan financier mériteraient d'être encadrés.

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