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Intervention de Catherine Lemorton

Réunion du 16 décembre 2008 à 9h30
Création d'une première année commune aux études de santé — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Lemorton :

Qui plus est, les quelques préconisations du rapport Bach retenues ne sont pas de nature à améliorer la situation, au contraire.

Évoquons d'abord la mise en place de la L 1 santé, limitée à quatre professions de santé.

Dans cette configuration, cette première année ne pourra être un outil de mise en dynamique et en transversalité de tous les futurs professionnels de santé.

La définition juridique des professions de santé, comme le soulignait le rapport Debouzie, est la suivante : « Les professions de santé regroupent les seuls professionnels médicaux et paramédicaux dont le droit d'exercice et les actes sont réglementés par une disposition législative ou par un texte pris en application de la loi. Ces professions sont donc au nombre de quatorze : médecins, pharmaciens, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, ergothérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes, orthopédistes, pédicures-podologues, manipulateurs en électroradiologie médicale, audioprothésistes et opticiens-lunetiers. »

Sur les quatorze professions de santé, seules quatre sont concernées par votre texte. Loin d'être anecdotique, cette limitation volontaire empêchera toute vision transversale du monde de la santé. Pourtant, la difficulté à se coordonner est l'un des problèmes constamment évoqués dans les différents rapports portant sur le monde de la santé. Pourquoi ne pas avoir ouvert un peu plus cette Ll santé pour lui donner tout son sens ?

L'ambition est la seule porte de sortie pour permettre à notre système français de ne plus être aussi impitoyable pour les étudiants et d'être efficace pour les patients. Ce texte, à notre grand regret, ne porte pas en lui cette notion d'ambition.

Deuxième exemple, toujours sur la mise en place de cette L 1 santé et du manque d'ambition de la majorité sur le sujet, comment les étudiants vont-ils être accueillis ?

Leur nombre va bien sûr augmenter mais qu'en sera-t-il du nombre de professeurs, notamment en filière sciences ? Comment mettre en place des travaux dirigés avec cent cinquante ou deux cents étudiants à gérer ? Pour information, les étudiants en pharmacie sont aujourd'hui trente-huit en moyenne par groupe d'études dirigées. Les CD-ROM et DVD-ROM seront-ils les nouveaux pédagogues des étudiants de la L 1 santé ?

Sur ces aspects pourtant déterminants, cette proposition de loi ne propose rien.

Pire, l'idée majeure du tutorat, que le rapport Bach reprend d'ailleurs, n'est pas évoquée dans la proposition Domergue. Livrés à eux-mêmes, dans des conditions d'apprentissage encore plus précaires, il ne nous semble pas que ce texte sera de nature à enrayer le « gâchis humain » que nous constatons pourtant tous.

Prenons un troisième exemple, celui de l'orientation des élèves en difficulté.

Il est d'abord étonnant de voir que cette proposition de loi évoque la réorientation dès la fin du premier semestre, sachant que celui-ci, avec une rentrée début octobre, ne durera que quatre mois. Plus longue en revanche sera la période passée en dehors du cursus santé pour celles et ceux considérés comme en échec, c'est-à-dire les étudiants ayant obtenu moins de 7 sur 20 et qui seront redirigés, pendant une période de douze à dix-huit mois, vers les facultés de sciences. Conscients de leur situation d'échec, ces étudiants vont devoir se réadapter à une nouvelle structure en cours d'année, pour tenter de réussir au mieux en sciences afin, peut-être, de pouvoir réintégrer la L 1 santé. Mais que deviendront ces étudiants retrouvant la L 1 après cette petite réorientation s'ils échouent de nouveau ? Trente ou même trente-six mois d'études pour en ressortir sans aucun diplôme, est-ce raisonnable ? Et pourquoi ne les orienter qu'en sciences ? Pourquoi ne pas leur offrir d'autres possibilités ? Mes chers collègues, je vous rappelle que cette proposition a pour objet de « limiter la casse humaine » dans les cursus de santé, pas d'amplifier le phénomène.

Et que penser des facultés de sciences qui vont accueillir des centaines d'étudiants dits en échec en cours d'année ? Auront-elles la place ? Le personnel enseignant sera-t-il en nombre suffisant ? Quels moyens leur seront-ils alloués en cours d'année ? Là encore, nous sommes face à une proposition qui ne propose pas.

Dernier exemple pour marquer la faiblesse de cette proposition face à la réalité, l'instauration des passerelles entre filières universitaires.

Le rapporteur parle « d'uniformisation trop étroite des professionnels de santé » pour justifier cette nouveauté. Là encore, sur l'esprit, nous ne pouvons qu'être d'accord. Mais à quoi tient cette uniformisation ? Essentiellement au milieu social des bacheliers qui intègrent les différents cursus de professions de santé, cursus où les catégories socioprofessionnelles supérieures sont surreprésentées. Par exemple, seules les catégories socioprofessionnelles supérieures peuvent être en capacité de « s'offrir » les officines assurant des cours privés coûteux. Et ce sont ces mêmes catégories socioprofessionnelles qui, depuis le début de la scolarité de leurs enfants, ont pu leur offrir des cours de soutien si nécessaires pour pallier les insuffisances de l'éducation nationale voulue par M. Darcos, avec la suppression notamment des RASED.

Ouvrir des passerelles avec des étudiants d'écoles de commerce ou d'IEP ne corrigera pas à l'uniformisation sociale dénoncée plus haut.

De plus, les préconisations du rapport Bach retenues par cette proposition de loi et celles écartées ne seront pas de nature à faciliter l'ouverture de ces filières.

Mes chers collègues, cette proposition de loi est, pour nous, un acte manqué en direction des étudiants. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mais, plus que cet acte manqué, c'est le contexte général dans lequel s'inscrit cette proposition qui ne peut que nous amener à être circonspects. En effet, les raisons de ce manque d'ambition et de crédibilité pour répondre aux besoins de notre système de formation sont nombreuses.

Nous constatons d'abord un manque de moyens. Comment mettre en place le tutorat sans engagement financier de l'État ? Comment gérer une véritable L 1 santé ouverte à d'autres professions, quand la seule L 1 a minima proposée va déjà faire l'objet de difficultés financières énormes dans sa mise en oeuvre ? Comment intégrer les élèves réorientés en facultés de sciences si on ne donne pas à celles-ci les moyens de les accueillir dans de bonnes conditions ? Noyée dans des considérations uniquement budgétaires, cette proposition a perdu toute sa substance, tout son sens.

Hélas ! ce cas n'est pas isolé. Rappelons-nous, mes chers collègues, le plan de réussite en licence. Un an après sa mise en oeuvre, il ne s'est pas traduit par des avancées pour une majorité d'étudiants.

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