Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous nous accordons à dire – et j'observe que de nombreux représentants des professions de santé sont présents dans l'hémicycle ce matin – que la lutte contre l'échec en fin de première année de médecine doit être une priorité. On sait en effet que, chaque année, quatre étudiants de première année sur cinq échouent au concours. Les efforts consentis et la charge de travail assumée par les étudiants, qu'ils soient en première année de médecine ou de pharmacie, sont pourtant considérables et devraient déboucher sur des possibilités de réorientation cohérentes et satisfaisantes.
Or la proposition de loi qui est soumise aujourd'hui à notre examen n'est pas à la hauteur des enjeux soulevés par les différents cursus des professions de santé. Ma collègue Catherine Lemorton développera dans un instant les points qui suscitent les réserves du groupe socialiste, radical et citoyen. Ils sont nombreux : réorientation exclusivement en faculté de sciences ; exclusion de ce cursus santé des étudiants en kinésithérapie et des futurs infirmiers et infirmières – auxquels un autre texte délègue pourtant des actes médicaux en bonne et due forme ; conséquences en termes de qualité des cours, place des sciences humaines, postes d'enseignement, absence de valorisation du tutorat, etc.
Je me contenterai pour ma part de revenir sur la question de la date d'entrée en vigueur. Les délais que vous avez fixés, madame la ministre, monsieur le rapporteur, sont irréalistes et relèvent, pour reprendre une expression de circonstance, du conte de Noël. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. La commission Bach dit elle-même n'avoir pas disposé d'assez de temps pour étudier l'ensemble des conséquences de ses propositions. Vous affirmez que la circulaire du 1er août 2008 a fourni aux doyens d'université et aux étudiants un cadre de réflexion leur permettant d'anticiper les conséquences de la création d'une « L1 santé ». J'ai l'impression que nous n'avons pas entendu les mêmes choses : la plupart des facultés de médecine et de pharmacie attendent en effet la promulgation de la loi et de ses décrets et circulaires d'application, soit janvier 2009, avant d'évaluer les besoins et de lancer les multiples chantiers nécessaires à la mise en oeuvre de la réforme.
Ces chantiers sont notamment humains et logistiques. Dans de nombreuses villes, une des quatre filières fondues dans cette première année commune manque à l'appel : pas d'odontologie à Amiens, pas de maïeutique à Saint-Étienne, pas de pharmacie à Brest. Il faudra, pour reprendre ce dernier exemple, un enseignement spécifique en visioconférence en première année, avant une deuxième année à Rennes. Tout cela nécessite des aménagements et des investissements, notamment dans les technologies de l'information et de la communication dont sont dépourvus de nombreux établissements – et je passe sur le pis-aller que représente, sur le plan qualitatif, un enseignement « non présentiel ».
La création d'une « L1 santé » entraînera un afflux d'étudiants vers ce cursus, devenu plus attractif puisque les chances de réussite seront censément multipliées. Or, nombreuses sont les universités non préparées à accueillir ces recrues supplémentaires. Classes et amphithéâtres trop petits, nouveaux bâtiments à construire : les travaux seront parfois importants, et inachevés à la rentrée 2009. Je prends l'exemple de Rouen : un nouveau campus santé y est en effet en construction sous maîtrise d'ouvrage de la région, mais il ne sera livré que début 2010.
Ces investissements et aménagements nécessaires, qui concernent toutes les universités, ne seront pas réalisés à temps, surtout s'ils ne sont pas clairement inscrits au budget du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je n'épingle pas ces éléments pour le plaisir : ce sont des réalités, qui auront des conséquences réelles sur l'égalité des étudiants devant le concours, principe auxquels nous sommes tous attachés et qu'il nous appartient de garantir.
Je terminerai sur les conséquences de cette réforme précipitée pour l'orientation des lycéens. Alors que la plupart des forums, plateformes, rencontres et réunions d'orientation ont lieu, tout comme les inscriptions en classes préparatoires, en début d'année civile, les lycéens de terminale n'auront pas les éléments d'information pour prendre leur décision en connaissance de cause. Cet argument est pour moi très important, et je serais curieuse de savoir comment vous comptez diffuser l'information à temps, autrement que par une vague plateforme Internet, auprès des lycéens et des conseillers pédagogiques.
Je conclus en me félicitant qu'un amendement de notre collègue Jacqueline Fraysse repoussant la date de mise en oeuvre de cette première année commune ait été adopté en commission mercredi dernier. J'espère que nous confirmerons ce vote tout à l'heure. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)