Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes tous d'accord, me semble-t-il, pour estimer que les études de santé doivent être réformées pour se conformer au mieux à l'évolution de la médecine elle-même.
Cette évolution est en rapport avec deux grands ordres de facteurs, d'ailleurs liés : d'une part, la place du médecin au coeur du contrat social par ses choix géographiques, ses prescriptions, son rôle de santé publique et de santé sociale ; d'autre part, le basculement qui est en train de se produire de la médecine pastorienne vers la médecine comportementale et la médecine sociétale. De notre réponse à cette double évolution dépendra la manière dont la médecine sera en mesure de prévenir et de soigner les bouleversements du monde.
C'est pourquoi la réforme des études conduisant aux professions de santé doit se faire dans le cadre d'une réflexion globale, incluant cette dimension sociétale, et soulevant la question du rôle des CHU et de l'aménagement territorial de la médecine.
Ce texte est la première pièce d'un « kit » dont l'usage n'est pas complètement défini et dont nous n'avons pas toutes les pièces. Il n'est pas à rejeter dans son fondement. Adapter les études médicales au système LMD, mettre en phase les diverses professions de santé, éviter le gâchis humain résultant de l'hypersélection de la première année : autant d'objectifs que nous partageons.
Mais, comme beaucoup d'autres en cette période de prurit législatif, ce texte a été élaboré dans une trop grande précipitation. Du fait de la dispersion de leurs sites, de l'absence d'habitude de travailler ensemble, de nombreuses universités ne seront pas en mesure d'appliquer cette loi dans les délais impartis. De ce point de vue, celle de Bordeaux est l'une des mieux aguerries aux changements.
Un nombre considérable d'étudiants seront réunis sur des sites totalement inadaptés, avec pour seule solution la perte de toute relation entre enseignants et étudiants, la disparition des cours magistraux, l'impossibilité de réels travaux pratiques et enseignements dirigés.
En outre, aucune prévision n'a été faite pour les DOM-TOM qui posent des problèmes spécifiques.
Deuxième point : l'absence de réflexion pratique. La réorientation dès la fin du premier semestre, par exemple, paraît insuffisamment réfléchie. Le délai est trop court et cette réorientation se fera uniquement vers les sciences « dures », dans lesquelles ces étudiants n'auront pas de meilleures chances de succès. En revanche, il n'y a aucune passerelle vers d'autres universités, alors que l'inverse est prévu à un stade ultérieur.
Troisième point : l'insuffisance d'encadrement, qui profitera aux officines commerciales que tout le monde ne peut pas s'offrir, et qui favorisera, de ce fait, la sélection sociale, déjà très forte en médecine.
C'est ainsi que 4 500 étudiants vont se retrouver projetés dans le milieu universitaire, confrontés à des méthodes de travail qu'ils ne connaissent pas. En particulier, il n'est fait aucune mention du tutorat, qui pourtant fonctionne bien et que le rapport Bach préconise de soutenir.
Dernier point : l'insuffisance des moyens humains, logistiques et financiers. Cela fait penser à la « grande » réforme de l'hôpital, qui n'est assortie que de petits moyens.
Voilà quatre raisons de ne pas voter ce texte qui vient trop hâtivement encombrer notre agenda législatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)