Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte envisage de corriger une situation effectivement très préjudiciable : l'immense gâchis que représente le taux d'échec des étudiants en médecine à l'issue du concours de fin de première année du premier cycle des études médicales.
Si les réponses apportées et la méthode utilisée sont plus discutables – j'y reviendrai –, l'objectif de mettre un terme à ce gâchis est louable. Il s'agit d'abord d'un gâchis humain, puisque, chaque année, environ 80 % des étudiants en première année de médecine échouent au concours. En 2006-2007, 50 000 inscrits se sont ainsi disputé 7 100 places en médecine, 977 places en dentaire et 1 007 places de sages-femmes. Pour près de 41 000 étudiants, dont une bonne part a obtenu la moyenne et souvent beaucoup plus, cette année-là aura donc été une année blanche, sanctionnée par aucun diplôme ni aucun « crédit » - pour reprendre la terminologie du dispositif européen de licence-master-doctorat, arrêté à Bologne. Il s'agit aussi, il faut le souligner, d'un gâchis financier pour l'université, amenée à former plus de 40 000 étudiants pour lesquels cette année n'aura débouché sur rien. Enfin, et surtout, c'est un gâchis pour la politique de santé, d'autant plus inacceptable que notre pays s'offre le luxe de laisser à la porte nombre d'étudiants motivés pour suivre ces études longues et difficiles, alors qu'il manque cruellement de médecins.
Il est décidément essentiel et urgent de poursuivre et d'accélérer le relèvement du numerus clausus, afin de former un nombre suffisant de médecins et de professionnels de santé pour répondre aux besoins dans toutes les régions et toutes les spécialités. Manifestement, ce ne sont pas les candidats qui manquent. Alors, décidons de consacrer les moyens nécessaires pour les former et aider les plus modestes, comme l'a très bien dit Mme Karamanli !
Néanmoins, ce texte apporte sans nul doute quelques réponses utiles. Tout d'abord, en instaurant une première année commune aux études de médecine, d'odontologie, de maïeutique et de pharmacie, il cherche à créer les conditions d'une appartenance commune entre des professions appelées à travailler en synergie. Ensuite, il organise la réorientation des étudiants en situation d'échec, notamment ceux que l'on nomme les « reçus-collés », qui ont obtenu la moyenne au concours mais n'ont pas été admis.
Malgré ces avancées, cette proposition de loi laisse, hélas ! beaucoup de questions sans réponse. S'il est normal que tous les détails, qui doivent être traités par voie réglementaire, ne figurent pas dans la loi, il n'est pas acceptable de demander à la représentation nationale de se prononcer sur un texte dont l'essentiel des dispositions est renvoyé à des arrêtés ministériels, car cela ne nous permet pas d'en apprécier les conséquences.
Il est à tout le moins nécessaire que le débat nous éclaire sur les modalités de la réorientation des étudiants en situation d'échec ou sur les conditions d'admission et d'équivalence pour les diplômés venant d'autres horizons universitaires. De même, nous sommes soucieux du contenu des enseignements, notamment la place des sciences humaines, de l'éthique ou des disciplines indispensables aux étudiants en pharmacie dans ce tronc commun. Nous souhaitons également connaître les orientations gouvernementales concernant le numerus clausus et le nombre d'étudiants envisagés dans les différentes filières, compte tenu des besoins actuels non couverts.
Par ailleurs, les conditions de mise en oeuvre de certaines dispositions de ce texte restent floues. Ainsi, le Gouvernement envisage de mettre en place cette année commune dès la rentrée prochaine, ce qui, de l'avis de tous, doyens comme étudiants, pourtant a priori favorables à ce nouveau dispositif, est impossible : les programmes, les locaux et l'organisation des enseignements ne seront pas prêts.
Quant aux financements, vous prévoyez de les prélever sur les crédits du plan « Réussite en licence », voté dans le cadre de la loi de finances pour 2008. Les moyens utilisés pour mettre en place cette réforme, qui ne bénéficie donc d'aucun financement spécifique, manqueront évidemment aux autres disciplines. Vous déshabillez Pierre pour habiller Paul. Ce n'est pas une bonne politique.
Aussi avons-nous déposé un amendement, qui a d'ailleurs été adopté par la commission, afin de reporter d'un an la mise en oeuvre de cette réforme. Un tel report présenterait le double avantage de permettre, d'une part, la mise en place correcte du nouveau dispositif – comme l'a très bien dit l'un de nos collègues en commission, « il ne faut pas se rater » – et, d'autre part, de prévoir les crédits nécessaires dans le prochain projet de loi de finances pour 2010.
Ce dernier point m'amène à revenir sur la méthode trop fréquemment employée par l'actuel gouvernement. Il s'agit, dans le meilleur des cas, de partir d'un problème préoccupant et connu – voire, trop souvent, d'un simple fait divers – et de proposer dans la précipitation des réponses qui ne résolvent rien ou pas grand-chose, quand elles n'aggravent pas le problème – surtout lorsque les financements ne sont pas prévus. Nous subissons les effets de cette méthodologie dans de nombreux domaines, ce qui est fort dommage.
Encore une fois, ce texte va dans le bon sens, mais pourquoi agir à ce point dans l'urgence ? Si cette réforme était tellement pressante, elle aurait dû et pu être faite plus tôt. Par ailleurs, la précipitation ne permet pas de prendre en compte les arguments de tous, notamment ceux des étudiants en pharmacie qui contestent le contenu des programmes de la « L1 santé » et craignent de ne pas retrouver dans cette année commune les bonnes conditions d'étude qui sont actuellement les leurs – notamment les enseignements dirigés suivis en effectifs restreints. Quant aux étudiants en médecine, ils se posent beaucoup de questions concernant la réorientation ou les délais incompressibles avant toute nouvelle inscription. Il faut prendre le temps, madame la ministre, de réexaminer avec eux les points qu'ils soulèvent. Ce sont des jeunes sérieux, qui font des études difficiles. Ils savent de quoi ils parlent et il faut les écouter.
De même, je vous invite à prendre en compte nos propositions, qui résultent de réflexions suscitées après plusieurs auditions. Avant toute chose, nous considérons qu'il faut respecter la liberté de choix des étudiants et ne pas leur imposer une réorientation dès le premier semestre, c'est-à-dire, dans les faits, après seulement quatre à cinq mois d'enseignement – un enseignement qui, de plus, porte sur des matières très scientifiques, les spécialités n'étant enseignées qu'au second trimestre. Il faut également revoir le caractère obligatoire de ce délai de douze à dix-huit mois en faculté de sciences avant de pouvoir éventuellement s'inscrire de nouveau au concours, qui s'apparente à une sorte de purgatoire !
Vous souhaitez instiller dans les professions de santé une culture autre que scientifique, en permettant à des étudiants diplômés de facultés littéraires ou de sciences humaines d'accéder directement, selon des modalités que vous ne précisez pas, en deuxième ou en troisième année d'études médicales.
L'objectif est louable, mais la méthode ne paraît guère crédible, d'autant moins que le premier trimestre de cette « L1 santé » insistera fortement sur les matières scientifiques. De plus, vous dites vous-même que cette possibilité restera marginale. Cette passerelle va donc permettre à quelques étudiants qui n'auront pas le niveau en sciences d'accéder de façon dérogatoire aux études de santé et sera vécue comme injuste par les étudiants qui auront beaucoup travaillé pour obtenir ce concours si difficile. Nous pensons qu'il serait possible de parvenir à un résultat très supérieur en introduisant simplement des enseignements nouveaux tels que la psychologie, la sociologie, l'histoire ou la philosophie, et en jouant sur leurs coefficients.