L'amendement n° 23 vise à introduire les actions de groupe en matière sanitaire. Je veux tout d'abord préciser que, dans notre esprit, ce dispositif n'est pas celui de la class action. Aux États-Unis, les cabinets d'avocats recherchent la moindre opportunité de gagner des affaires lucratives, permettant d'assurer le train de vie du cabinet en profitant de la défectuosité d'un produit, qu'il soit industriel ou médicamenteux.
Les actions de groupe, telles que nous les concevons, ne concernent que des actions menées par des associations représentatives de patients. À cet égard, des propositions importantes ont été faites par des associations aussi représentatives et reconnues que l'UFC-Que Choisir, la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés – la FNATH – et le Collectif inter-associatif sur la santé – le CISS.
L'actualité sanitaire nous montre à quel point ces actions seraient utiles. Dans l'affaire du Mediator, en dépit de la mise en place d'un dispositif visant à accélérer l'indemnisation des victimes, on sait que les expertises sont extraordinairement difficiles pour les victimes, confrontées à des avocats rompus à ce genre d'exercice et habiles à ralentir la procédure par toutes sortes de manoeuvres. En février dernier, à Rennes, une patiente a été victime d'un arrêt cardiaque après avoir été soumise à une expertise judiciaire ayant duré quatre heures.
Au-delà de ce cas extrême, les victimes et leurs représentants s'accordent pour dire que les expertises sont toujours dures. Les laboratoires Servier s'emploient en effet à écarter, sous des motifs divers et souvent fallacieux, les experts choisis par les victimes pour les assister.
L'action de groupe aurait vocation à être mise en oeuvre dans le cadre de tous les drames sanitaires, pas seulement du Mediator, dès lors que le dommage a concerné un nombre significatif de patients, qui sont autant de victimes. L'existence d'une telle procédure constituerait un moyen de dissuasion pour les firmes qui seraient tentées de prolonger la vie commerciale de leurs produits en ne tenant compte que de la rentabilité, en dépit des alarmes de pharmacovigilance. Comment ne pas penser qu'une telle dissuasion aurait été utile dans l'affaire du Mediator – et dans bien d'autres, sans doute.
Aux États-Unis, il est très rare que l'agence fédérale retire un produit. En effet, dès qu'un laboratoire fait l'objet d'une alerte de pharmacovigilance significative, il retire lui-même le produit concerné afin d'éviter qu'une class action, qui coûte généralement très cher, ne lui soit intentée. Ainsi, le laboratoire Wyeth-Ayerst a-t-il retiré le Redux – équivalent commercial de l'Isoméride – en 1997, alors que ce produit n'était sur le marché que depuis deux ans. Ayant dû régler des milliards de pénalités, Wyeth-Ayerst a ensuite été racheté par Pfizer.
En France, alors que l'Isoméride a été présent sur le marché beaucoup plus longtemps, il n'y a eu que trois condamnations, prononcées à l'issue de véritables parcours du combattant, ayant parfois duré sept ou huit ans, pour les victimes. C'est ce qui explique que la plupart des victimes abandonnent la procédure en cours de route, ayant perdu tout espoir d'obtenir l'indemnisation de leur préjudice.
C'est un souci de solidarité et de justice qui nous anime, madame la ministre. Nous espérons également, comme je l'ai expliqué, que la simple existence des actions de groupe incite les laboratoires à accorder une plus grande attention aux alertes de pharmacovigilance. Nous tenons donc beaucoup aux actions de groupe qui, je le rappelle, faisaient l'objet de la proposition 52 du rapport d'information sur le Mediator de notre collègue Jean-Pierre Door : « Envisager (…) l'octroi aux associations représentatives de patients de la possibilité de demander en justice réparation au nom de leurs mandants ».