Les Etats-Unis ont perdu beaucoup de leurs leviers d'influence dans la région. Plusieurs de leurs alliés traditionnels, comme l'Arabie saoudite, les ignorent désormais, ou en tout cas minimisent leur rôle. C'est aussi le cas des militaires égyptiens, sur lesquels les Etats-Unis reconnaissent eux-mêmes n'avoir pas beaucoup d'influence. L'armée égyptienne est loin de leur être inféodée. La rente d'un milliard de dollars qu'ils lui versent chaque année et qu'elle utilise essentiellement pour acheter des armes américaines, sert surtout leur économie en retour.
Pour ce qui est du Hamas, il n'entretient pas de liens étroits avec les islamistes égyptiens, en tout cas pour l'instant. D'une part, parce que l'ancien régime avait veillé à éviter que ces liens ne se resserrent par trop : jusqu'à présent, le Hamas fait preuve de prudence et ne veut pas provoquer l'appareil de renseignement égyptien, qui demeure puissant. D'autre part, parce que les acteurs de la scène islamiste sont très divers et qu'il y existe de profondes différences de sensibilité. Il y a loin des islamistes de l'AKP, au pouvoir en Turquie, du Hamas, d'Ennahda en Tunisie ou de ceux du Qatar, dont la sensibilité s'exprime sur Al-Jazeera, aux islamistes égyptiens, qui en sont, pour beaucoup, restés à la prédication – la dawa –, d'où un certain décalage dans leur perception des événements dans la région. Il n'en reste pas moins que le Hamas voit d'un très bon oeil l'émergence des islamistes partout dans la région, quelle que soit leur sensibilité, et mise sur la durée.
Les salafistes, pour leur part, demeurent méconnus, y compris des Frères musulmans, notamment parce qu'ils ont toujours jusqu'ici rejeté toute politisation. Un temps d'ajustement sera nécessaire.