Paul Ricoeur a été extrêmement clair à ce propos : l'historien sélectionne les faits et les schémas de causalité. Mais il a aussi ses sympathies et ses antipathies. Enfin, la distance du temps complique les interprétations. L'histoire n'est même pas toujours une science, car la science historique doit être distinguée de la mémoire. Dans un livre d'histoire, lorsqu'un événement qui a duré un ou deux siècles, comme la colonisation, est traité en une page, s'agit-il de science ou de mémoire ? Or, en matière de mémoire, les parlementaires ont en effet leur mot à dire.
Je suis un peu étonné que des jugements différents soient portés sur la fameuse loi de 2005 et sur la loi dite « Taubira », par exemple. La loi de 2005 est un texte de reconnaissance envers les rapatriés. Et les historiens ont curieusement oublié trois choses : ce texte distinguait recherche universitaire et recherche scolaire ; l'expression « en particulier » signifiait que le « rôle positif » s'inscrivait dans un cadre général, pas forcément positif ; la phrase suivante soulignait « la place éminente » jouée dans la Libération du pays par les troupes issues de l'outre-mer.
Quand une science est molle, elle contient beaucoup d'idéologie. La loi de 2005 avait pour but évident de réagir contre l'idéologie dominante qui forme les futurs citoyens français. Un grand historien, François Furet, a montré à quel point les Français, pendant des années, ont été mal informés sur la Révolution française, à partir de l'interprétation marxiste favorisée par les professeurs d'histoire, qui ont agi en idéologues.