Je veux d'abord remercier madame et messieurs les rapporteurs pour leur exposé clair, précis et objectif.
Les crédits du projet de budget de la mission « Santé » augmentent d'environ 1 %, ce qui est une augmentation bien timide au regard de l'allongement de l'espérance de vie et des progrès des sciences et des techniques médicales, sans parler du risque de pandémie grippale.
Cette augmentation cache mal, madame la ministre, les contradictions de la politique sanitaire. J'en donnerai quelques exemples.
Je commencerai par la prévention, source, non seulement de santé, mais d'économies. On en parle, mais on ne fait même pas l'effort de faire le diagnostic de la médecine scolaire, alors que la prévention commence là. Or, sa situation est catastrophique.
Parlons ensuite de la médecine du travail, qui compte de moins en moins de médecins. Vous avez vu dans quel état elle est ? On ne fait même plus de bilan de santé digne de ce nom au moment de l'embauche ! La conscription permettait aux moins aux jeunes gars d'avoir un bilan de santé complet, mais, aujourd'hui, elle n'existe plus ! Aujourd'hui, il n'y a plus rien du tout !
Comment parler d'une politique de santé sans parler de la prévention ? Le nombre des maladies professionnelles explose. Je pense à celles liées à l'usage de l'amiante, à laquelle personne, ni à droite, ni à gauche, ne s'est opposé alors que sa nocivité est connue depuis 1905. Chaque année, trois mille personnes en meurent, et en mourront encore pendant des décennies.
Cela fait des années que j'appelle votre attention sur l'imminence d'un autre drame sanitaire : celui des éthers de glycol. Et celui-ci ne frappera pas seulement les travailleurs, mais également tous les consommateurs de peintures, de produits de beauté, etc. C'est pourquoi je me félicite que la mission amiante ait proposé la constitution d'une commission d'enquête parlementaire sur les éthers de glycol.
La politique de prévention est en train de disparaître, au moment où le nombre des maladies, notamment professionnelles, augmente.
Autre contradiction, vous prétendez mettre le médecin traitant au centre du dispositif de la deuxième phase du plan Cancer, dévoilée hier par le chef de l'État. C'est une excellente idée : malheureusement, la France compte de moins en moins de généralistes. En Picardie, par exemple, une des régions les plus déficitaires, on ne trouve pas de médecin. Lundi, je n'ai même pas trouvé de pharmacie de garde à Amiens, capitale régionale : on en est là ! En dépit des mesures que nous avons prises pour inciter les médecins à s'installer dans cette région, elle compte de moins en moins de médecins. Il faudrait avoir le courage d'assurer une meilleure répartition des médecins sur le territoire : la liberté d'installation doit se concilier avec la liberté de se soigner. Le Gouvernement a sa part de responsabilité dans cette situation quand il ne nomme qu'au compte-gouttes des professeurs titulaires de médecine générale.
Par ailleurs, alors que votre projet de budget entend renforcer la lutte contre l'obésité, vous avez cédé aux pressions des industriels en refusant de supprimer la publicité pour les aliments gras et sucrés pendant les programmes télévisés pour enfants, à l'encontre de votre promesse d'agir en ce sens faite en février 2008. Qu'en reste-t-il aujourd'hui ?
Ce projet de budget entend aussi mettre l'accent sur l'état de santé des populations les plus précaires, notamment par des efforts de prévention. C'est également une bonne chose, mais qui ne doit pas cacher le fait que vous avez augmenté de deux euros le forfait hospitalier, après avoir instauré de nouvelles franchises médicales en 2007 : autant de mesures qui restreignent considérablement l'accès aux soins de ces populations précaires, comme de nombreuses études le démontrent.
En un mot, les nobles objectifs affichés par le budget de la mission « Santé » me semblent cruellement contredits par la politique actuelle. Oui, la santé a un prix, mais l'être humain, source des richesses, de l'intelligence, de la créativité, a bien plus de valeur encore.