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Intervention de Hervé Morin

Réunion du 8 juin 2009 à 21h30
Loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 — Discussion générale

Hervé Morin, ministre de la défense :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je serai bref, puisque j'ai déjà abordé, dans mon propos liminaire, l'essentiel des sujets que les orateurs ont évoqués lors de la discussion générale.

Je ne reviens pas sur les recettes exceptionnelles, sujet qu'ont évoqué Louis Giscard d'Estaing, François Cornut-Gentille et bien d'autres. Je rappellerai simplement que si nous avons un certain nombre de retards, notamment sur la vente des fréquences, nous allons disposer de recettes exceptionnelles qui nous permettront de traverser cette période de transition. Un arbitrage du Premier ministre va nous permettre de financer le budget 2009 comme il était prévu.

Plusieurs orateurs, notamment MM. Beaudouin, Grouard, Lasbordes et Fromion, ont abordé la question des programmes spatiaux. Il nous faut en effet une politique spatiale ambitieuse, ce qui nécessite un doublement des crédits d'ici à 2020. Les crédits consacrés à l'espace représentent 400 millions d'euros, auxquels il faut ajouter 165 millions d'euros au titre de la recherche duale, qui servent à financer le CNES. En y ajoutant le développement des programmes MUSIS et CERES, les satellites infrarouges d'alerte avancée et la surveillance de l'espace – des programmes inscrits plutôt en deuxième partie de loi de programmation militaire, car il nous faut mener des recherches sur ces sujets, nous parvenons à un doublement des crédits des programmes spatiaux à l'issue de la deuxième loi de programmation militaire.

MM. Vandewalle, Viollet et Garrigue ont évoqué la problématique de la recherche. Nous avons créé en 2004 l'Agence européenne de défense, mais, depuis ses débuts, elle n'a eu quasiment aucun grain à moudre. Les programmes de recherche européens lancés durant la présidence française de l'Union européenne – je pense notamment à la rénovation des hélicoptères des pays d'Europe centrale et orientale, au segment sol du programme MUSIS, à l'hélicoptère lourd que nous allons lancer avec les Allemands, ou encore à un certain nombre de programmes de recherche que nous avons lancés avec les Britanniques – rencontrent toujours la même difficulté : nous voulons tous l'Europe, mais quand il s'agit de transférer des points de recherche ou des pôles de compétences dans tel ou tel pays, chacun est disposé à mutualiser… à condition de conserver l'activité sur son territoire ! C'est un comportement qui s'apparente à de la schizophrénie, notre volonté de mutualiser notre effort de recherche – ce qui est indispensable, puisque les Américains consacrent six fois plus de crédits à la recherche que les Européens – se heurtant en permanence à la problématique des brevets et de la propriété industrielle et, plus globalement, au fait que chaque pays européen souhaite conserver pour sa propre industrie les programmes de recherche. Des efforts sont toutefois accomplis, et j'ajoute à l'attention de M. Vandewalle que 110 millions d'euros supplémentaires ont été accordés dans le cadre du plan de relance.

La discussion sur l'Europe de la défense a déjà largement eu lieu, monsieur Garrigue. Certes, nous n'avons pas obtenu le centre de commandement opérationnel, pour lequel tout le monde était d'accord, y compris ceux qui, comme l'Allemagne et la Pologne, y étaient restés longtemps hostiles ; de même, les Américains, dont on connaît l'influence, y étaient également favorables. Nous nous sommes heurtés à la résistance britannique, mais nous avons tout de même avancé, dans la mesure où nous disposons désormais d'un centre de planification. En matière de défense européenne, nous avons abordé les choses de manière pragmatique et concrète, à partir de besoins clairement identifiés. La flotte européenne de transport tactique, ce n'est pas rien ! Ce n'est pas rien non plus que le programme MUSIS, le développement d'un groupe aéronaval européen, le développement des programmes de recherche au titre de l'AED, ou encore la création d'un réseau de surveillance maritime des côtes européennes, que nous évoquions depuis dix ans.

Nous avons également prévu une planification pour mutualiser nos efforts de recherche en cas de crise. La présidence française a donc constitué une période importante de relance. Certes, on peut toujours souhaiter, vous comme moi, que cette Europe de la défense soit plus présente – c'est l'éternelle histoire de la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine. Mais, il y a moins de quinze ans, l'Europe de la défense n'existait pas. On a donc beaucoup progressé et, durant la présidence française, la défense européenne a connu un vrai élan, un vrai renouveau. Le fait a été reconnu dans tous les pays européens, et non pas simplement parce que nous avons réintégré le commandement de l'Alliance atlantique.

Madame Olivier-Coupeau, madame Saugues, vous avez été plutôt caricaturales dans votre façon d'aborder les choses. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) L'accompagnement personnalisé est bien réel. Sachez que le nombre de pécules demandé est cinq fois supérieur à ce que nous pouvons offrir. S'agissant du reclassement des militaires dans la fonction publique, je vais vous communiquer les chiffres de 2008 que vous pourrez vérifier : 298 dans la fonction publique d'État, 346 dans la fonction publique territoriale, 21 dans la fonction publique hospitalière, 483 au titre des emplois réservés, 101 par concours. Au total, nous avons dépassé l'objectif de 1 100 que nous nous étions fixé pour 2008 pour atteindre 1 249. Je précise que la compensation différentielle a été accordée. Cela a été le cas à Mondeville, monsieur Cazeneuve.

Monsieur Cornut-Gentille, la base de défense fait en effet l'objet d'une expérimentation. J'ai souhaité que cette révolution copernicienne de l'organisation de notre défense s'effectue à partir de cette expérimentation. Cela implique naturellement quelques tâtonnements. Les premiers retours de l'expérience sont prévus pour 2010. Nous généraliserons alors ces bases, qui devraient être 90 environ à couvrir l'ensemble du territoire en 2011. Nous en réduirons peut-être quelques-unes. Notre position évoluera en fonction des enseignements de l'expérimentation. Il est effet difficile de savoir précisément comment s'organiseront les différents échelons : l'échelon régional sera réduit de façon importante ; reste à savoir ce qui remontera dans les bases de défense et au niveau national.

C'est à partir de cette analyse globale, des résultats de l'expérimentation, de la mise en place de la tuyauterie budgétaire, de la montée en puissance du commandement interarmées, que nous pourrons préciser les compétences et les attributions des bases de défense. Je vous invite à exercer un suivi parlementaire sur tous ces points, car l'exécutif a besoin de cet aiguillon permanent pour mettre en oeuvre cette réforme.

Vous avez été nombreux à évoquer la marine : M. Le Bris, M. Dhuicq, Mme Lamour, M. Grouard. En effet, la cohérence et la logique voudraient que nous ayons un second porte-avions dès lors que la République française a décidé d'en construire un premier. Mais le lancement de ce projet impliquerait de prévoir des tranches de 500 à 600 millions d'euros par an, crédits que certains auraient voulu consacrer à l'industrie spatiale, les autres à la recherche, d'autres encore aux frégates ou aux sous-marins. Or cette programmation doit tenir compte d'une capacité militaire globale. Le Président de la République prendra sa décision en 2012, lorsque nous aurons absorbé une partie de l'effort budgétaire majeur actuellement consenti.

La question de la défense antimissile, monsieur Teissier, monsieur Viollet, est majeure et doit être abordée avec beaucoup de sérénité et de recul. Les options sont nombreuses et différentes. S'agit-il simplement d'une défense antimissile de théâtre ? Ajoute-t-elle une couche supplémentaire de moyenne altitude ? Ou est-ce une défense antimissile balistique ? Les enjeux financiers et technologiques sont évidemment très différents. En outre, qui aura la main sur l'ensemble du dispositif, que nous ne pourrons jamais financer à l'échelon national, ni européen d'ailleurs ? Compte tenu de l'effort budgétaire déjà consenti, on voit mal les Européens consacrer les dizaines de milliards d'euros nécessaires au lancement d'un programme aussi global.

Pour l'heure, nous souhaitons avancer, et ce que nous faisons à travers un certain nombre de programmes : le programme SAMP-T et l'Aster 30 « block 2 » pour la moyenne altitude. La question de la défense antimissile doit donc être abordée dans un cadre précis : la crédibilité du système, ses conditions de financement, le niveau d'ambition que les Européens se fixent, le type de menace à laquelle il s'agit de faire face. Je crois personnellement que, si nous nous engageons fortement dans la défense antimissile, les programmes conventionnels dont nous avons tant besoin seront encore un peu plus difficiles à financer.

Quelques mots sur l'A400M évoqué notamment par MM. Beaudouin, Dupont, Poniatowski et Grouard. J'aurai une réunion jeudi à l'OTAN avec mes collègues pour essayer d'avancer. J'ai proposé une dernière rencontre à Séville, à la fin du mois, à mon homologue espagnole. J'ai déjà décidé un certain nombre de mesures pour les quatre ou cinq ans qui nous séparent de l'arrivée des A400M. Nous allons ainsi rénover dix Transall, ce qui permettra de faire travailler l'AIA de Cuers, comme je l'ai dit il y a un mois devant l'ensemble des salariés de Clermont-Ferrand, et de prolonger la durée de vie de ces avions jusqu'en 2018. Dans le cadre du programme SALIS, nous allons passer un contrat pour bénéficier, au titre du transport stratégique, d'un complément d'heures de vol. Nous allons examiner comment nous pourrions nous inscrire dans le programme C-17 de l'OTAN.

Parallèlement, nous devons opter pour un type de complément. En patrimonial ? En leasing ? S'agira-t-il d'avions tankers du futur ? La version MRTT, c'est en effet un avion-cargo auquel on a ajouté un dispositif de ravitaillement. Nous anticiperions en quelque sorte le programme MRTT en achetant quelques avions qui seraient ensuite transformés en avions tankers. Mais nous pouvons aussi acheter des CASA ou des C-130J. Nous étudions toutes ces hypothèses qui sont conditionnées par l'évolution du programme A400M. À cet égard, un certain nombre de points restent à régler avec EADS. Nous devons le faire à sept, ce qui rend difficile la discussion. Il faut régler la problématique des pénalités financières, celle de la prise en compte du risque industriel, de l'évolution des prix… J'ai le sentiment que les choses avancent. Mais la démarche est difficile dans la mesure où les pays européens n'ont ni les mêmes besoins ni les mêmes exigences au même moment. Pour ma part, je fais tout pour que ce programme industriel européen majeur soit préservé.

J'ai noté, monsieur Hillmeyer, monsieur Folliot, votre souhait que la gendarmerie demeure militaire et conserve son statut militaire. Le projet de loi présenté par Mme Alliot-Marie ne remet en rien en cause le statut militaire de la gendarmerie : elle ne fait que transférer les crédits du ministère de la défense au ministère de l'intérieur dans le cadre d'une meilleure gestion de nos ressources.

S'agissant enfin du lien armée-nation, monsieur Dupont, j'ai presque cru que M. Bockel vous avait soufflé la question, car il présentera demain son plan pour les réserves, qui comporte une amélioration quant au nombre de jours et de personnes potentiellement concernées.

Nous avons, monsieur Dhuicq, monsieur Lamblin, à construire une nouvelle relation entre nos armées et la nation, entre nos armées et les Français. Je l'ai vécu très directement à l'occasion du drame du 18 août à Uzbeen, en Afghanistan. J'ai pu constater en effet que ce drame était perçu différemment par la communauté militaire et par la communauté nationale, et que le fossé était large. La première, tout en étant profondément affectée, considérait que la mission militaire peut effectivement conduire à la mort, tandis que la seconde ne comprenait pas l'engagement des militaires, cette prise d'un risque totalement assumé – même si, bien sûr, tout est mis en oeuvre pour le prévenir. Nous avons donc à construire une nouvelle relation entre nos militaires et la population française pour que ce lien formidable puisse perdurer dans les décennies à venir. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

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