Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi de programmation militaire pour les années 2009-2014 commence à concrétiser la refonte de notre politique de défense, dont les objectifs ont été fixés par le Livre blanc. Elle amorce une réforme profonde des armées tout en modernisant les forces, pour assurer notre sécurité et concourir à la sécurité internationale. Pour ce faire, 185,9 milliards d'euros sont prévus d'ici à 2014. La priorité budgétaire est réelle. C'est un effort, certes, considérable dans le contexte budgétaire que nous connaissons, mais nécessaire en raison des risques et des menaces qui pèsent sur notre pays : terrorisme, piraterie maritime, prolifération des armes de destruction massive.
La forte priorité donnée aux investissements – plus de 20 milliards d'euros pour l'industrie, soit l'effort le plus important depuis les « trente glorieuses » – s'impose ; elle est d'une urgence absolue, en raison de l'obsolescence de beaucoup d'équipements majeurs. Elle a pour contrepartie une réduction significative des effectifs, qui devra être menée avec beaucoup de discernement afin de conserver l'attractivité du métier des armes et d'entretenir un professionnalisme remarquable, que beaucoup nous envient. Les tensions observées sur le recrutement de certaines spécialités doivent ainsi nous faire réfléchir, car un matériel sophistiqué exige du personnel compétent.
Dans ce contexte, il nous faudra faire davantage appel à de nouveaux modes d'acquisition et de gestion des équipements, notamment pour la maintenance en condition opérationnelle. À cet égard, l'externalisation offre des perspectives intéressantes, comme le démontrent plusieurs contrats en cours, à condition d'aborder cette question avec pragmatisme et de doter le ministère de la défense des outils d'analyse économique indispensables. Il serait notamment intéressant, monsieur le ministre, que vous puissiez nous éclairer sur la cession de l'usufruit des satellites Syracuse III et sur l'évolution de la coopération franco-italienne Sicral 2.
En ce qui concerne la maintenance en condition opérationnelle, l'externalisation croissante devrait nous mettre à l'abri d'économies budgétaires aléatoires qui dégradent la disponibilité des matériels, ce qui pénalise les capacités de nos forces et nuit parfois à la réputation de nos matériels à l'exportation. En toute hypothèse, une industrie de défense compétitive et techniquement performante est une composante essentielle de la défense, même si l'idéal est de développer des champions européens.
À cet égard, la recherche amont doit faire l'objet d'une grande vigilance, au moment où beaucoup de programmes arrivent à maturité. Il est en effet vital d'entretenir et de développer la compétence et le savoir-faire des bureaux d'études : vital pour nos capacités industrielles, vital parfois pour notre indépendance nationale, même si le cadre européen est de plus en plus affirmé. En effet, le savoir-faire dans les domaines scientifiques et technologiques se perd très vite et il est ensuite très difficile de réinvestir le champ perdu. Aussi l'affirmation, dans la loi, du rôle stratégique de la recherche est-elle une bonne chose, et je sais que la Délégation générale pour l'armement y est attentive. Toutefois, les crédits doivent être à la hauteur des ambitions. En 2008, 676 millions d'euros ont été consacrés aux études amont. Il me paraît nécessaire, ainsi qu'à d'autres députés, de porter ce chiffre à un milliard environ – un montant somme toute modeste au regard de l'ensemble du budget.
Ces crédits sont vitaux pour les industriels. Jugez-en : une grande entreprise de défense qui disposait de 300 millions d'euros de crédits dans la précédente loi de programmation militaire n'en a plus que 200 millions, et les perspectives sont à la baisse. Cette diminution va nécessiter des adaptations en France et n'est supportable pour l'entreprise que grâce à d'autres sources de financement issues de la coopération bilatérale ou multilatérale.
S'agissant du CEA, il est important de préserver ses crédits de recherche pour garantir la crédibilité et la fiabilité de la dissuasion. Ces crédits doivent permettre d'acquérir les outils nécessaires, qu'il s'agisse des gros calculateurs, dont le seul champion européen est Bull, ou du laser mégajoule, dont il faut achever la construction le plus rapidement possible car les retards accumulés pendant la dernière LPM ne font qu'engendrer des coûts supplémentaires. Et encore est-ce sans compter les autres travaux de recherche amont, que je ne peux pas détailler ici mais dont certains seront, à terme, de réelles sources d'économies ou ouvriront la voie à de nouveaux développements, y compris civils, comme la propulsion nucléaire navale ou spatiale.
Il faut souligner la juste priorité donnée au spatial. Toutefois, en matière de missiles tactiques, l'arrivée à maturité de beaucoup de programmes ne doit pas affaiblir la recherche amont, afin que nous conservions la maîtrise de l'ensemble des technologies nécessaires. Le rapport annexé souligne à juste titre le risque lié au développement de missiles balistiques ; il convient d'entamer dès maintenant des recherches sur ce point. La question des drones et celle de l'A400M ont été abordées ; je n'y reviendrai pas.
Mais tout cela n'a de sens que si les Français comprennent la nécessité de la défense et soutiennent leurs forces armées. Après la professionnalisation, la raréfaction des sites militaires peut affaiblir le lien entre les armées et la nation. Elle doit donc être compensée par des actions de formation et d'information du citoyen. J'espère ardemment que la fusion de l'IHEDN et du CHEAR, notamment en renforçant les activités de recherche dans l'enseignement supérieur et l'éducation à la défense dans l'enseignement secondaire, y contribuera efficacement. À ce propos, il serait utile de mettre en place une évaluation standardisée des connaissances pendant les JAPD, afin de s'assurer de l'efficacité de l'éducation à la défense inscrite dans les programmes de l'enseignement secondaire.
Pour conclure, je tiens à saluer tous ceux qui concourent à la défense de notre pays et en premier lieu, bien évidemment, les militaires, qui font preuve au quotidien d'un courage et d'un professionnalisme exemplaires. Je soutiens l'action de réforme du Gouvernement ; je voterai donc la loi de programmation militaire qui nous est soumise. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)