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Intervention de Gilbert Le Bris

Réunion du 8 juin 2009 à 21h30
Loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilbert Le Bris :

Nous traînons toujours, aujourd'hui, ce déficit d'équipement, et le Livre blanc sert d'alibi aux arbitrages financiers de cette loi – loi que je ne voterai pas tant elle m'apparaît peu sincère en raison du surcalibrage des recettes retenues.

Je porte en outre un regard critique sur la sous-estimation de l'importance de notre marine nationale. En effet, 90 % du commerce mondial et plus de 70 % des exportations françaises passent par la mer. La France possède le deuxième plus grand domaine océanique du monde. C'est en mer que l'homme trouvera les ressources nécessaires à une population mondiale de neuf milliards d'individus en 2050. C'est aussi de la mer que viendront les principales menaces, aussi fortes que diverses : terrorisme, sécurité énergétique, piraterie, immigration, pollution…

Les missions de sauvegarde maritime, concept regroupant les anciennes missions de service public de la marine, représentent déjà le tiers de ses activités. Or, au moment même où l'actualité navale montre le caractère toujours essentiel des flottes de combat dans le système stratégique contemporain, nous « battons en arrière » dans la LPM.

La ressource humaine de la marine, qui était de 170 000 personnes en 1996, passera à 44 000. Cette suppression de 850 postes par an est excessive pour la plus petite des trois armées, qui est également celle possédant le plus grand nombre de spécialités.

Mais c'est aussi en termes de matériel que l'on se prépare des déficits capacitaires. Alors que les frégates Horizon sont considérées comme la colonne vertébrale de la défense aérienne française à la mer, au lieu de quatre, il n'y en aura que deux. Et le nombre de frégates FREMM a lui-même été ramené de dix-sept à onze, nombre très insuffisant. On a le sentiment que vous faites de ces bâtiments la variable d'ajustement de l'effort financier disponible pour la marine, alors qu'ils sont la base d'une marine océanique et qu'ils assurent un ensemble de missions allant de la garde rapprochée à la diplomatie de défense, en passant par l'exercice de souveraineté.

Au fond, trois problèmes vont se poser. Le coût, tout d'abord, car en ne commandant que onze bâtiments et en étalant les livraisons, vous altérez l'effet de série.

Le « tuilage », ensuite, avec les deux F67 Tourville et les sept F70 Georges-Leygues qui seront bientôt en fin de vie et nécessiteront sans doute, pour l'une ou l'autre série, une refonte en vue de les prolonger, donc des coûts supplémentaires.

Enfin, l'inadaptation des choix pour assurer le nécessaire remplacement futur des avisos A69 qui ont eux aussi souvent été utilisés comme « bons à tout faire ». Les FREMM sont surdimensionnées pour pouvoir s'y substituer. Quel sera, dès lors, le futur bâtiment tous usages de la marine si, comme ce devrait être le cas, l'on cantonne les frégates à leurs missions purement militaires ?

On a parlé des corvettes Gowind, navires de 1 000 à 2 500 tonnes. En tout cas, une chose est sûre : la marine devra se doter de navires hauturiers robustes, polyvalents, rustiques et peu onéreux. Et, en tout état de cause, de tels bâtiments ne figurent pas dans le projet de loi de programmation militaire.

N'y figure pas non plus ce qui concerne le remplacement de la flotte de ravitaillement, remplacement qui pourtant s'imposera rapidement. Quant à notre parc de 90 hélicoptères de marine, dont l'âge moyen est de plus de vingt-cinq ans et le taux de disponibilité de 60 % environ, sa situation est préoccupante.

Par ailleurs, rien dans ce projet de loi de programmation ne montre la volonté de sortir les drones navals des bureaux d'études. Ils apporteraient pourtant une réponse flexible et économique, en moyens et en personnels, en matière de capacité de surveillance et d'élargissement du périmètre de connaissance de l'environnement.

Monsieur le ministre, je crains que ce projet de loi de programmation militaire ne nous éloigne de la marine moderne taillée aux dimensions nécessaires pour répondre aux lourds enjeux d'un monde porteur de dangers.

Il n'y aura pas d'Europe puissante comme réalité géopolitique sans ambition maritime européenne. J'aurai souhaité que la France montre l'exemple. Ce n'est pas le cas, hélas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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