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Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du 6 novembre 2009 à 9h00
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Mon propos, qui ne saurait être plus réaliste ni plus dur que celui du rapporteur spécial, sera centré sur trois constats.

Le premier est celui de l'insuffisance des compensations apportées par les dotations liées aux compétences transférées par les dernières lois de décentralisation. En effet, l'ensemble des concours aux collectivités territoriales ne devrait augmenter que de 0,70 % en 2010, alors que l'inflation prévisible est estimée par la Banque centrale européenne à 1,2 % et pourrait même atteindre 1,4 %. Ainsi l'évolution de la dotation générale de décentralisation sera-t-elle inférieure à l'inflation, avec des taux de 0,56 % pour les départements et 0,60 % pour les collectivités.

Si l'on additionne les manques à gagner résultant de la non-indexation des dotations de décentralisation sur l'évolution de l'inflation et de la non-indexation des dotations générales de fonctionnement, dont l'augmentation est plafonnée pour 2010 à 0,6 % – soit la moitié de l'inflation prévisionnelle –, ce sont environ 300 millions d'euros qui font défaut à la nécessaire compensation des charges nées de la décentralisation.

Ces 300 millions d'euros s'ajoutent aux effets mêmes de la décentralisation telle qu'elle a été conçue en 2004. Prenant pour référence le coût historique des transferts, celle-ci n'a en effet pas prévu d'instrument de stabilisation permettant de tenir compte des évolutions, notamment économiques et démographiques, observées dans certains territoires.

Pour ne prendre que l'exemple de l'APA, la Cour des comptes a rappelé dans son rapport thématique sur la décentralisation, en octobre 2009, que la dépense globale pour 2008 aura été de 4,8 milliards d'euros, laissant aux départements une charge nette de 3,2 milliards d'euros.

Gilles Carrez constatait lui-même en mai 2009 que « les dépenses suivent leur propre dynamique, alors que les recettes censées les compenser ne suivent pas nécessairement la même évolution ».

Ainsi, l'insuffisance de la réévaluation des dotations liées à la décentralisation et l'absence de solution d'ensemble dans le cadre d'une autonomie fiscale réelle vont mettre en difficulté de nombreuses collectivités territoriales, et ce non pas dans quelques mois ou quelques années, mais dans quelques semaines.

Mon deuxième constat est celui de la stagnation des dotations d'investissement, de la limitation des dotations de fonctionnement et de la nécessité, pour l'État, d'un changement de perspective à l'égard du Fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA.

Pour ce qui concerne les principales dotations d'investissement, il convient de signaler que, si la DGE des départements augmente de 1,20 % en autorisations d'engagement, elle décroît de 0,34 % en crédits de paiement, ce qui limite le paiement des dépenses engagées, et que la DGE des communes et des EPCI, bien qu'elle connaisse, avec une augmentation de 1,15 %, une évolution légèrement inférieure à l'évolution prévisible de l'inflation en autorisations d'engagement, diminue significativement en crédits de paiements, avec une baisse de 31,41 %.

Quant au FCTVA, son traitement par les trois dernières lois de finances donne matière à réflexion. Laissé hors de l'enveloppe normée en 2008, il y a été intégré en 2009 et son évolution est annoncée comme indexée sur l'inflation pour 2010. En fait, si l'on retire le FCTVA de l'enveloppe normée, l'évolution réelle des dotations de fonctionnement en 2010 est seulement de 0,6 %, soit 245 millions d'euros, niveau là encore bien inférieur à l'inflation.

Le FCTVA est par ailleurs calculé avec un taux de compensation forfaitaire de 15,482 % appliqué aux dépenses d'investissement. Autrement dit, l'État perçoit une marge entre ce qui lui est versé par les collectivités et ce qu'il leur rembourse. Ce qui est « empoché » de la sorte, de l'ordre de 380 millions d'euros en 2010, correspondra à plus de 50 % de l'augmentation de l'ensemble des dotations aux collectivités, y compris au titre du FCTVA. Abstraction faite du principe d'universalité, c'est donc à partir des ressources et des investissements des collectivités territoriales que l'État assurera pour moitié le maintien minimal des dotations à ces collectivités.

Cette situation anormale implique un changement de perspective pour que le FCTVA soit considéré comme un remboursement sur des dépenses d'investissement et d'avenir, et non comme une variable d'ajustement de l'évolution des dotations aux collectivités.

En outre, avec l'adoption de la contribution économique territoriale, les collectivités risquent de moins investir, n'ayant plus la sécurité financière que leur garantissait un véritable impôt économique local. Pour investir, elles doivent en effet percevoir des impôts, et non des dotations. La réforme se traduit donc par la certitude d'une perte sur la poursuite des investissements civils des collectivités locales et l'éventualité d'un gain sur les investissements réalisés par des entreprises dont les marges seront rétablies ou restaurées.

J'en viens au troisième constat : celui du caractère très partiel de la péréquation.

La péréquation vise à réduire les écarts de richesse, et donc les inégalités, entre les différentes collectivités territoriales et la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 en a fait un objectif constitutionnel, l'article 72-2 de la Constitution disposant que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ». Or, il existe aujourd'hui de fortes inégalités de richesse entre les collectivités et le résultat de la péréquation apparaît insuffisant.

Le projet de loi qui nous est soumis ménage peu de marges de manoeuvre en faveur de la péréquation. Ainsi, la réforme de la dotation de solidarité urbaine, ou DSU, est gelée et le montant de la dotation de développement urbain, ou DDU, est limité à sa valeur de l'année dernière. Je ne peux que le regretter.

Je terminerai par une interrogation. Le produit des taxes locales ne peut être utilisé seul pour comparer la richesse des territoires. En effet, ce produit dépend non seulement de la base fiscale sur laquelle il s'appuie, mais aussi du taux d'imposition qui lui est appliqué. Chaque collectivité adopte ainsi un profil de taxation qui lui est propre. Certaines communes n'ont pas d'investissement particulier à réaliser et ont des taux bas, tandis que d'autres doivent assumer le financement de projets spécifiques, ce qui peut nécessiter, quelle que soit la richesse de leur population, des taux élevés. Pour mieux répartir les dotations à visée de péréquation, ne serait-il pas utile de répartir les dotations en prenant en compte non seulement un indice de ressources, mais aussi un indice d'effort fiscal identifiant ce que les collectivités locales retirent ou retireraient des taxes en appliquant des taux moyens d'imposition ?

Comme vous l'avez compris, nous estimons que ce budget manque de justice, tant dans la façon dont les réformes sont menées que dans la répartition des efforts et des moyens qui nous est proposée.

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