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Intervention de Manuel Aeschlimann

Réunion du 6 novembre 2009 à 9h00
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaManuel Aeschlimann :

, rapporteur pour avis pour la Commission des lois sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Les collectivités territoriales étant en prise directe sur la vie quotidienne de nos concitoyens et l'activité des entreprises, il n'est pas étonnant qu'elles ressentent, tout comme l'État, les effets de la crise économique depuis l'automne 2008. Ce contexte tendu doit nous inviter à regarder l'évolution des finances locales avec d'autant plus d'objectivité et de responsabilité.

Je constate d'abord que l'État maintiendra l'an prochain le soutien qu'il accorde aux collectivités. Certes, les concours qui leur sont versés n'augmenteront globalement que de 1,2 %, c'est-à-dire en moyenne au rythme de l'inflation prévisionnelle, comme les dépenses de l'État, ce qui suscitera probablement des critiques de la part de nos adversaires, mais ce cadre se révèle finalement protecteur pour les collectivités : en effet, l'application des règles d'indexation de l'ancien « contrat de croissance et de solidarité » auraient conduit à une baisse des dotations, du fait du recul de la croissance et de l'investissement.

Au sein des prélèvements sur recettes, les crédits consacrés au Fonds de compensation sur la valeur ajoutée – FCTVA – devraient augmenter de 6,4 %, ce qui signifie que, comme les années précédentes, ils absorberont l'essentiel de la hausse des crédits – même si leur progression pourrait finalement se révéler inférieure aux besoins constatés.

La dotation globale de fonctionnement – DGF –, qui représente à elle seule 41,1 milliards d'euros, connaîtra en revanche une légère érosion en volume, puisque le projet de loi de finances n'accroît ses crédits que de 0,6 %, c'est-à-dire de la moitié de l'érosion monétaire prévue pour 2010.

La croissance des dotations de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » sera, elle aussi, limitée, puisque ses crédits de paiement seront portés de 2,49 à 2,51 milliards d'euros. Le montant des crédits alloués à la dotation de développement urbain – DDU – sera certes gelé – avec toutefois un bonus pour les communes ultramarines. Ce gel prendra fin pour la dotation globale d'équipement – DGE –, que le projet de loi prévoit de faire progresser de 1,2 %, comme pour la dotation générale de décentralisation – DGD –, promise à une hausse limitée à 0,6 %. On peut aussi remarquer que les dotations destinées à accompagner la réforme de la « carte militaire » et la mise en place des titres d'identité sécurisés progressent sensiblement pour 2010.

S'agissant du fonctionnement de l'administration centrale, les indicateurs disponibles ne donnent qu'une vue parcellaire de l'activité de la DGCL, mais ils montrent une amélioration appréciable des délais de réponse aux questions posées par les pouvoirs publics. Il me semble toutefois dommage que les indicateurs relatifs à la fréquentation du site Internet aient été supprimés. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous éclairer sur les raisons de cette suppression et sur la possibilité de rétablir l'an prochain ces indicateurs de performance ?

Plus fondamentalement, je crois qu'indépendamment du soutien public aux collectivités locales, les budgets locaux ont été fragilisés par la crise économique. Ainsi, les recettes fiscales de certaines collectivités, en particulier celles des départements, ont été particulièrement exposées à la conjoncture : en 2008, le produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers – TIPP – a déjà chuté de 5,9 % et celui des droits de mutation à titre onéreux – DMTO – de 8,6 %, et les premiers chiffres pour l'année 2009 montrent que cette tendance s'est encore aggravée. Dans le même temps, les dépenses locales poursuivent leur progression, tirées, non seulement par les transferts de personnel et l'investissement dans le cadre du « plan de relance », mais aussi par l'alourdissement des dépenses sociales, supportées notamment, là encore, par les départements.

L'endettement des collectivités reste, certes, assez modeste – de l'ordre de 112,6 milliards d'euros en 2008, soit 11 % de l'ensemble de la dette publique –, mais il s'est accru de presque 25 % en quatre ans. Cela signifie que les charges d'intérêt de la dette pèseront chaque année de plus en plus sur les budgets des collectivités, surtout dans l'hypothèse d'une hausse future des taux d'intérêt. La situation financière des collectivités territoriales devra donc être suivie avec attention : je pense, en particulier, à celle de certaines grandes villes et de quelques départements, qui est aujourd'hui d'autant plus délicate que des emprunts structurés ont été contractés sans que le risque en soit bien géré.

À ce propos, monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous nous indiquer les mesures que le Gouvernement envisage de prendre pour promouvoir davantage, au sein des assemblées délibérantes comme auprès de la population dans son ensemble, une transparence renforcée sur la situation financière des collectivités et, tout particulièrement, sur la gestion de leur endettement ? Je souhaiterais également que vous puissiez nous préciser la nature des engagements pris par les banques dans le cadre de la « charte de bonne conduite » qu'elles étaient appelées à conclure avec les collectivités.

Enfin, au-delà des aspects strictement budgétaires, il me semble nécessaire de revenir sur l'effort sans précédent qui est engagé pour clarifier et améliorer le fonctionnement de la décentralisation. « L'acte II » de celle-ci a, certes, permis, depuis 2003, de transférer de nouvelles compétences aux collectivités et de leur garantir de nouveaux droits. Mais, comme le remarque le rapport de la Cour des comptes sur « la conduite par l'État de la décentralisation », rendu public le 27 octobre dernier, ce renforcement de la décentralisation « a dû s'accommoder d'une organisation territoriale jugée peu rationnelle et insuffisamment réformée ». Nous avons adopté cet automne un projet de loi organisant le transfert aux départements des parcs de l'équipement, ce qui nous a permis de tirer la dernière grande conséquence de la loi du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales : cette ultime étape de l'acte II de la décentralisation franchie, il nous faut regarder vers l'avenir.

Et cet avenir, c'est la préparation d'une réorganisation territoriale majeure, qui devrait notamment nous conduire, premièrement, à rénover notre architecture territoriale – ce qui passe notamment par l'achèvement de la carte intercommunale et la création de véritables métropoles – ; deuxièmement, à simplifier la « gouvernance » des collectivités locales – ce qui pourra être obtenu grâce à l'élection au suffrage universel direct des délégués des communes siégeant dans les intercommunalités, ou encore grâce aux synergies créées par l'institution de « conseillers territoriaux » communs aux régions et aux départements – et, troisièmement, à favoriser l'émergence d'un Grand Paris, qui sera avant tout fondée sur des projets concrets, d'intérêt général, tel que la création d'un moyen de transport collectif sûr et rapide reliant les principaux pôles d'activité économique autour de la capitale.

Cette entreprise de modernisation, salutaire et courageuse, devrait être abordée par tous sans a priori partisan, et suppose donc de poursuivre une concertation renforcée avec l'ensemble des élus locaux, dont j'ai moi-même rencontré les principaux représentants.

Mais il me semble qu'une telle réforme ne portera vraiment ses fruits, du point de vue de la démocratie locale et de l'évolution des dépenses publiques, que si l'on porte remède à l'enchevêtrement des compétences et des financements, qui réduit la lisibilité et donc l'efficacité de la politique locale. Il me semble que, sur ce point, les projets présentés par le Gouvernement et bientôt examinés par le Sénat demeurent un peu en retrait ou renvoient le problème à plus tard, alors qu'il existe de réelles marges de progression pour conforter la spécialisation de chaque échelon d'administration.

Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous indiquer dans quelle mesure ces projets de loi permettront réellement de limiter les compétences concurrentes et d'encadrer les cofinancements, sans bien sûr porter atteinte à la libre administration des collectivités territoriales ? Pourriez-vous également nous donner de premières indications sur le calendrier selon lequel notre assemblée sera saisie de cette vaste reforme ?

S'agissant, enfin, de la modernisation des finances locales, je crois que nous sommes finalement parvenus à une solution relativement équilibrée pour le remplacement de la taxe professionnelle par d'autres impositions, qui préserveront, autant que possible, les marges de manoeuvre fiscales de chaque niveau de collectivités. Le principe d'autonomie financière des collectivités territoriales est aujourd'hui largement respecté, notamment pour les départements et les régions, et ne me paraît pas réellement menacé. Mais cette réforme, aussi ambitieuse et complexe soit-elle, n'épuise pas le sujet : il reste nécessaire, pour la taxe d'habitation et la taxe foncière, de mettre à jour des valeurs locatives vieilles de plus de 35 ans. De même, le remplacement de la taxe professionnelle par de nouveaux impôts crée une opportunité unique pour rénover entièrement l'architecture de la péréquation, qui repose aujourd'hui sur treize dotations ou fonds distincts, obéissant chacun à des règles originales, ce qui est illisible, voire incompréhensible, et ne permet pas de mener une politique cohérente.

Là encore, le dernier rapport public de la Cour des comptes appelle à agir sans plus tarder pour remettre de l'ordre et de la clarté. Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le secrétaire d'État, où en est aujourd'hui la réflexion du Gouvernement sur ce sujet essentiel pour la cohésion territoriale ? Que pense-t-il, en particulier, des deux propositions que j'ai formulées, le 25 juin dernier, en présentant un rapport sur ce sujet devant la Commission des lois ? La première tend à mesurer chaque année et à faire figurer dans les documents budgétaires, pour chaque catégorie de collectivités, le taux global de correction des inégalités de pouvoir d'achat entre collectivités locales ; la seconde vise à regrouper les dix dotations de péréquation verticale en quatre grandes dotations intensément péréquatrices – une par niveau de collectivité ?

J'ajoute qu'il me paraît nécessaire de poursuivre la réflexion sur la définition, pour les dotations péréquatrices, de critères de ressources et de charges permettant de compenser les handicaps structurels, sans interférer avec des données qui peuvent résulter de choix de gestion des collectivités.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dans un contexte économique très incertain, le projet de budget qui nous est soumis permettra globalement de reconduire en 2010 le soutien financier accordé par l'État aux collectivités locales, qui conserveront, nous l'avons vu, des outils diversifiés pour équilibrer leurs finances. C'est pourquoi j'inviterai tout à l'heure la Commission des lois à adopter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » pour 2010.

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