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Intervention de Jean-Pierre Dupont

Réunion du 8 juin 2009 à 21h30
Loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Dupont :

Ce n'est pas : « Nous y voilà », comme le disait Mme Marguerite Lamour tout à l'heure, mais : « Tout vient à point à qui sait attendre.» (Sourires.) Nous voici donc enfin saisis du projet de loi de programmation militaire qui doit fixer les engagements et les moyens de nos armées pour les cinq prochaines années.

Ce projet de loi met en effet en oeuvre la nouvelle stratégie de défense et de sécurité nationale adoptée par le Président de la République dans le Livre blanc et les décisions prises dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.

Il engage une réforme de grande ampleur de nos armées puisqu'il redéfinit leurs missions, leurs contrats opérationnels, leurs déploiements, leurs formats, en mettant un accent particulier sur la modernisation de leurs équipements. C'est donc d'un texte primordial que nous allons discuter.

Je souhaiterais néanmoins appeler votre attention sur deux points qui, s'ils étaient encore trop longtemps négligés, pourraient menacer à l'avenir l'efficacité de notre défense nationale.

Le sujet a déjà été évoqué par notre collègue Jean-Claude Viollet, mais j'aimerais revenir, en premier lieu, sur le retard, que l'on peut à présent qualifier de colossal – près de trois ans –, accusé par la construction et la livraison de notre nouvel avion européen de transport de troupes : l'A400M.

Priorité de l'armée de l'air en termes d'investissement en équipements, l'A400M est en effet prévu pour se substituer au Transall, et cette substitution aurait même dû débuter dès 1995. C'est un beau projet, à la fois technologique et symbolique. Il est en effet porté par un travail européen et constitue un signe fort de notre désir de construire une armée européenne.

Cependant, le retard du programme A400M, dû en partie à un péché de jeunesse, s'agissant d'un nouveau projet porté avec enthousiasme, pose aujourd'hui de réels problèmes en terme de renouvellement de la flotte militaire et a, me semble-t-il, une double incidence.

Ce retard ne peut être sans conséquence, tout d'abord, sur l'efficacité de l'aéromobilité de nos troupes, les missions d'entraînement se faisant sur une flotte réduite et vétuste. Ce manque de moyens d'entraînement compromet même la sécurité de nos hommes, obligés de se déplacer sur des Transall à bout de souffle, maintenus en relative condition de vol par la cannibalisation d'autres appareils.

La seconde incidence est la diminution évidente de nos capacités opérationnelles sur les opérations extérieures. Du fait de la réduction des capacités de transport de l'armée de l'air, nous nous retrouvons aujourd'hui dans la situation paradoxale de dépendre de flottes étrangères.

La modernisation des équipements de nos armées est au coeur de ce projet de loi. Vous semblez dire, monsieur le ministre, que le sauvetage de ce programme n'est pas totalement assuré, et vous envisagez d'avoir recours à des solutions transversales pour parer à la perte des capacités de transport. Qu'en est-il au juste ?

Le second point sur lequel j'insisterai est la nécessité de mieux prendre en considération la réserve opérationnelle dans notre schéma d'organisation des armées.

Les lois de 1999 et de 2006 portant organisation de la réserve militaire ont permis de passer d'une logique de réserve de mobilisation à une logique de réserve d'emploi, partie intégrante de l'armée professionnelle. Ce système radicalement nouveau de militaires « à part entière mais à temps partiel » a facilité la mutation de notre appareil de défense. Les armées ont plus que jamais besoin de militaires sous statut d'ESR – engagement à servir la réserve. Leurs compétences professionnelles et leur expérience militaire sont des atouts indispensables, tant pour la sécurité du territoire national que pour le succès de nos engagements extérieurs.

Par son enracinement dans la société civile et sa grande connaissance du monde de la défense, la réserve opérationnelle constitue une passerelle irremplaçable entre les armées et la société civile. C'est pourquoi il est indispensable qu'une armée professionnelle comme la nôtre prenne pleinement conscience du rôle décisif que peut jouer la réserve dans notre dispositif de défense, en dépassant les clichés et les immobilismes d'un autre âge.

Or, force est de constater que ce n'est pas encore le cas, alors même que l'objectif est d'atteindre le nombre de 100 000 réservistes à l'horizon 2015. Il me semble que les armées tardent à mettre en place un schéma moderne de la réserve opérationnelle comme l'ont fait depuis longtemps certaines armées ; je pense notamment au Royaume-Uni.

Il s'agit, pour l'armée et la société civile, de capitaliser et de mutualiser des savoir-faire. La réserve opérationnelle est un réservoir d'expertise de haut niveau au service des armées, dans des domaines essentiels tels que les affaires civilo-militaires ou la santé. Quelle organisation se priverait aujourd'hui de gens compétents et disponibles, même à temps partiel, offrant une force de travail supplémentaire et opérationnelle dans les moments de forte activité ?

Poser cette question, c'est souligner le fort intérêt que l'armée française aurait à mieux promouvoir et utiliser la réserve opérationnelle sur ses lieux d'engagement. Comment, dès lors, repenser notre réserve dans les prochaines années et prendre en considération son réel potentiel ?

L'augmentation de la dotation financière consacrée à la réserve opérationnelle pour l'année 2009 est un signe encourageant de la prise en considération du rôle essentiel joué par les réservistes. Néanmoins, elle demeure encore insuffisante au regard des objectifs fixés d'ici à 2015. Je ne peux donc que le regretter, en espérant que, d'ici là, un schéma moderne de la réserve opérationnelle sera adopté.

Tels sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les deux points sur lesquels je souhaitais appeler votre attention. J'ose espérer qu'ils ne resteront pas de simples constats, mais qu'ils seront suivis d'effets correctifs à la hauteur des ambitions de la France.

Pour conclure, je formule le voeu que notre défense nationale reste un acteur majeur de la politique internationale de sécurité et de défense. Puisse ce projet de loi y répondre ; je n'étonnerai personne en disant que je le voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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