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Intervention de Guy Chambefort

Réunion du 8 juin 2009 à 21h30
Loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Chambefort :

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui la loi de programmation militaire pour les six années à venir. Je partage avec mes collègues du groupe SRC les observations générales qu'ils ont développées sur cette loi et sur le rapport annexé : une loi d'affichage, comme nous en avons l'habitude avec ce gouvernement, avec la volonté, elle aussi bien connue, du Président de la République de toujours étendre davantage ses prérogatives, quitte à mettre en danger l'équilibre des institutions. Elle prévoit également une réforme dangereuse du secret défense.

Le rapport annexé définit la mise en oeuvre de votre politique, en particulier les moyens prévus à cet effet. C'est sur ce second point que je voudrais concentrer mon analyse, car il me semble que vos prévisions dans ce domaine ne sont pas réalistes, et je doute sincèrement que les moyens puissent être mis en oeuvre comme vous l'annoncez.

Partant de réalités locales concrètes, je voudrais faire un certain nombre de réserves.

Élu d'un département, l'Allier, où sont implantés une base aérienne et un établissement de matériels, les rencontres fréquentes avec les personnels civils et militaires me permettent d'être à l'écoute de ceux qui seront, parmi d'autres, en charge de traduire dans les faits et sur le terrain les objectifs de cette loi.

Je suis persuadé que ces situations locales, qui, bien sûr, ne sont pas généralisables en tant que telles, sont représentatives de ce qui se passe sur l'ensemble du territoire quant à la perception des objectifs de cette loi de programmation militaire,

Je voudrais insister sur trois points : les suppressions d'emploi, les recettes attendues de la vente du patrimoine, le recours à l'externalisation.

Premier point, les suppressions et réductions d'emplois, inquiétude majeure des personnels civils et militaires, sont-elles réalisables dans les conditions annoncées ?

Vous prévoyez, monsieur le ministre, sur ces six années, une réduction des effectifs de plus de 50 000. Vous écrivez dans le rapport annexé que « la diminution des effectifs s'appuiera sur une régulation des flux d'entrée et de sortie ». Vous indiquez également que, pour les personnels militaires, « elle s'appuiera sur une incitation à la mobilité vers les autres fonctions publiques et sur une aide financière ciblée aux départs en suggérant une seconde carrière professionnelle par le biais d'un pécule ».

Nous sommes en droit de nous interroger sur une telle proposition, sachant que la logique purement comptable du Gouvernement conduit à des réformes fondées sur la suppression de services et non pas à une adaptation conjuguant qualité et efficacité. La RGPP continue à faire son oeuvre dans la fonction publique d'État.

Prenons l'exemple de l'agglomération de Moulins, ville préfecture. De nombreux postes sont supprimés dans les services de l'État. Le tribunal de grande instance va fermer. Le tribunal de commerce est parti. Des services de l'État sont recentrés vers la préfecture de région. Dans l'éducation nationale, des suppressions de sections, notamment au sein de l'enseignement technologique, entraînent de nombreuses disparitions de postes. Comment trouver, dans ce contexte, des emplois disponibles pour les personnels militaires ?

Dans les collectivités territoriales, les possibilités sont tout aussi réduites car leur situation financière est difficile. Les postes qui se libèrent sont rares et les sollicitations sont nombreuses : reclassements France Télécom, mutuelles regroupant leurs services au niveau régional ou cessant leurs activités, licenciements dans de nombreuses entreprises...

Il n'est pas raisonnable non plus de penser que, dans la situation actuelle de l'emploi, on puisse trouver des solutions de réemploi dans les entreprises.

Il ne sera donc pas simple de trouver un reclassement pour ceux dont le poste sera supprimé.

Deuxième point, les recettes attendues de la vente du patrimoine du ministère de la défense seront-elles au rendez-vous ?

Il est vrai que la majorité s'est lancée, comme pour les autoroutes, dans un vaste programme de cession du patrimoine pour se donner quelques disponibilités. Si, à court terme, de telles opérations sont financièrement attrayantes, le fait de dilapider son patrimoine peut être regardé d'un oeil critique. De plus, dans le contexte économique actuel, la dégradation du marché de l'immobilier oblige à la plus grande prudence. Est-ce le moment de se débarrasser de ses biens ? Le risque étant que le résultat obtenu ne soit pas celui espéré, le fait d'équilibrer ce budget avec des ventes hypothétiques apparaît comme une pratique comptable peu orthodoxe.

Simple remarque : peut-on imaginer un maire équilibrant son budget avec une ressource provenant d'une hypothétique cession de son patrimoine ? J'imagine d'ici la réaction du service chargé du contrôle de légalité : il s'offusquerait, à juste titre, d'une telle pratique.

Monsieur le ministre, vous nous avez indiqué que, si les ventes ne se réalisaient pas comme prévu, vous financeriez l'investissement avec l'argent du plan de relance. Alors que le déficit budgétaire de l'État et sa dette sont à des niveaux jamais atteints, vous y ajouterez donc une dette nouvelle !

Pour terminer sur ce point, si la vente du patrimoine collectif peut parfois se justifier pour financer des investissements, il faut que l'intérêt de la collectivité soit toujours présent. Est-ce bien le cas ?

Le troisième point découle des deux précédents.

La réduction des effectifs et les recettes inférieures aux prévisions ne feront qu'accélérer le programme d'externalisation.

Bien que lancé depuis plusieurs années, celui-ci n'est pas forcément une source d'économie. En effet, les externalisations se font souvent sans tenir vraiment compte de l'ensemble des paramètres techniques, économiques et sociaux. C'est ainsi que les prestations fournies ne sont pas forcément à la hauteur des besoins, tandis que les coûts sont souvent plus élevés que ceux constatés dans les structures.

Enfin, plus le volume des externalisations sera important, plus seront grands les risques de monopole et d'inflation des coûts de service. Confier la maintenance complète du matériel, sans précaution aucune, à un opérateur extérieur entraînera sans nul doute, pour les années à venir, une perte de technicité regrettable.

En conclusion, monsieur le ministre, nous avons souhaité amender votre projet afin de le rendre plus proche des réalités. Cela passe par la prise en compte des conséquences de la crise économique, qui rendent vos engagements pour 2009-2010 irréalistes et vous obligeront, pour les années suivantes, à de nécessaires ajustements.

Nous vous avons proposé de revenir sur les 54 000 suppressions d'emplois prévues sur ces années, car la montée du chômage fera obstacle à une reconversion aisée de ceux qui quitteront l'armée.

Nous souhaitons également plus de prudence dans l'inscription des recettes liées à la vente du patrimoine.

Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques éléments que je souhaitais apporter à ce débat sur la loi de programmation militaire 2009-2014. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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