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Intervention de François Cornut-Gentille

Réunion du 8 juin 2009 à 21h30
Loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Cornut-Gentille :

C'est bien cet unique objectif qui doit nous mobiliser fortement.

Je passerai rapidement en revue, d'une part, les tensions et les risques pouvant peser sur cette loi de programmation militaire, d'autre part, les conditions de sa réussite.

En parlant de tensions et des risques, il ne s'agit pas de jouer les oiseaux de mauvais augure, mais d'identifier les points sensibles sur lesquels nous ne devons pas trébucher, c'est-à-dire les points à surveiller pour assurer la réussite de la réforme.

Divers points budgétaires ont déjà été évoqués. Le premier concerne le financement des OPEX. Je ne vous demande pas, monsieur le ministre, de nous expliquer encore une fois le nouveau système ; je l'ai parfaitement compris. Certes, il y a eu un effort considérable. Néanmoins, le dégagement de certaines opérations est tout de même plus lent que prévu ; en dépit du formidable système que nous avons mis en place, la note s'allonge et devient de plus en plus lourde. C'est là un élément qui pèsera dans la durée.

Autre point, un peu extérieur à la loi, qui pèsera dans le contexte : le financement des retraites. Le raisonnement qui sous-tend la LPM s'est fait hors retraites, comme cela a toujours été la règle. Reste que, dans une période budgétaire difficile, la nécessité de prendre en compte les retraites peut se faire jour. Il y a là à terme, sur la LPM et sur le raisonnement sur les quinze ou vingt années que nous avons eu, un risque qu'il faut mesurer dès aujourd'hui.

Il y a aussi des incertitudes sur les mesures exceptionnelles, mais je n'y reviendrai pas, Bernard Cazeneuve ayant longuement évoqué ce sujet cet après-midi. il s'agit de 3,4 milliards : ce n'est pas négligeable. Des solutions peuvent être trouvées, mais pour pouvoir réagir, il faudra sans doute exercer une assez forte pression. Or on sait ce qu'il en est aujourd'hui de l'immobilier, comme du problème des fréquences : tout cela exige un suivi très précis.

Par ailleurs, il y a les effets de la crise qui vont entraîner une tension sur le plan économique. Dans un premier temps, la crise est apparue comme une opportunité, avec le plan de relance. Nous nous réjouissons que la défense ait pu bénéficier de quelques milliards de plus dans ce cadre. En revanche, une loi de programmation militaire oblige à raisonner à une échéance de plusieurs années et l'on peut se demander si, après la relance, après la gestion de la crise, il n'y aura pas à nouveau une tentative de régulation budgétaire assez lourde, qui pèsera fortement sur les années à venir. On a évoqué tout à l'heure la nécessité d'augmenter le budget de 1 % à partir de 2011 ; dans un contexte d'après-crise ou de sortie de crise, tout cela peut devenir extrêmement compliqué.

J'évoquerai aussi la difficulté de la « manoeuvre RH ». Sur le plan quantitatif, je ne suis pas foncièrement inquiet. À croire les chiffres que vous avez indiqués, les départs, fussent-ils d'une certaine ampleur, vers la fonction publique, sont gérés de façon relativement satisfaisante. Sur le plan qualitatif en revanche, il faut s'assurer que ce sont bien les profils de postes que l'on souhaite voir partir qui partent effectivement, et l'affaire devient plus compliquée. On m'a présenté de nombreux schémas qui montrent qu'il s'agit bien du soutien. Mais il me semble nécessaire d'y regarder de plus près : le ratio soutien opérationnel que vous avez évoqué tout à l'heure pour les armées anglaises et françaises n'est pas tenable. C'est un élément très important.

L'autre élément intéressant, qui nécessite en tout cas un suivi attentif, c'est qu'une grande partie de la réforme ser fera sur la base d'expérimentations. Ce n'est pas un reproche, monsieur le ministre, mais cela veut dire que l'on ne sait pas encore très bien aujourd'hui ce que sont les bases de défense. Je pense pour ma part qu'on ne réforme qu'en avançant et je ne vous reprocherai pas d'avoir tout ficelé, mais il faudra sans doute procéder à des adaptations. Faudra-t-il aller plus loin ? La réforme n'est pas bouclée, elle va se faire en marchant. Tant mieux, car c'est pragmatique, mais cela laisse une très grande part d'inconnu.

On peut également s'interroger sur le maintien d'un échelon régional pour l'armée de terre. Dans ce cas, à quoi servent ces bases de défense ? Il faut poser la question. J'estime que la réforme n'est pas achevée : elle va se poursuivre. Mais la transparence est nécessaire dans cette démarche au fur et à mesure que l'on franchira les échelons. Je souhaite que, pour franchir ces échelons, le ministère de la défense se dote, comme l'a dit Bernard Cazeneuve, d'outils beaucoup plus « costauds » en matière de finances publiques et de ressources humaines.

La réussite de la réforme suppose à mon sens un suivi politique à tous les niveaux, et dans la durée. Pour réussir, une réforme ne doit pas être subie : il faut que les militaires y croient. Et pour qu'ils y croient, il faut montrer que la parole des politiques est tenue. On les sent en attente. Ils ont un espoir ; s'il est déçu, on peut s'attendre, et très rapidement, une très forte démobilisation de notre défense. Montrer que le politique tient parole est une condition essentielle de la réussite.

Pourquoi le suivi politique est-il nécessaire ? Il faut aller au-delà des RGPP, tout le monde l'a souligné. La réforme n'est pas achevée. De nombreux comités se mettent en place, au SGA et ailleurs. Concernant la RGPP et autres, tous ces gens vont nous suivre, et c'est très bien. Je suis toutefois convaincu que, si on veut tenir l'ambition de la réforme, il faudra alors dépasser les réformes de structures envisagées et aller plus loin dans les états-majors et dans les bases de défense : l'échelon régional pour l'armée de terre, par exemple, ne me paraît pas se justifier. Et ce « plus loin » ne doit pas se faire contre les militaires : ils doivent sentir un engagement politique, une pression politique pour accompagner la réforme dans toutes ses dimensions : un suivi politique ministériel, mais également, je vous le demande, un suivi parlementaire.

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