Sur cet article qui concerne le port de cagoule, je ferai trois remarques préalables.
La première vise à appeler l'attention de nos collègues sur l'absence prévisible d'effet dissuasif. L'auteur du délit devrait logiquement préférer ne pas être identifié plutôt que de commettre le délit à visage découvert et risquer la peine encourue sans la circonstance aggravante. Autrement dit, mieux vaut cacher son visage et ne pas être puni que le découvrir et risquer plusieurs années de prison...
Je présente ma deuxième remarque pour m'étonner, et peut-être même m'indigner, de la publication, le 22 juin, du décret créant une infraction autonome prohibant le port d'une cagoule dans les manifestations publiques. L'incongruité de la démarche en plein travail parlementaire n'a d'égal, en effet, que l'absurdité de cette nouvelle incrimination.
Enfin, dans l'exposé des motifs, le rapporteur indique « qu'il appartiendra au juge de qualifier » les moyens de dissimuler volontairement son visage. Comme le souligne l'USM, la définition juridique des infractions est le propre du législateur. Les juges n'ont pas cette faculté. Il leur appartient simplement d'apprécier les circonstances permettant de caractériser les différents éléments constitutifs de l'infraction. On ne peut pas demander à des juges de qualifier les moyens de l'infraction, ou alors personne ne fait plus son métier.
Sur le fond, cet article ne respecte pas le principe de légalité tel qu'il a été défini par l'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il manque en effet de clarté et de précision quant aux éléments constitutifs de la circonstance aggravante qu'il entend créer.
Dans une décision du 20 janvier 1981, qui portait sur la loi bien improprement intitulée « Sécurité et liberté » le Conseil constitutionnel a déduit de cet article 8 « la nécessité pour le législateur de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis » dans un but bien déterminé : « exclure l'arbitraire dans le prononcé des peines ».
Nous sommes ici dans un domaine essentiel : celui de la liberté individuelle, principe fondamental reconnu par les lois de la République, selon la nomenclature du Conseil depuis 1977. Or les incertitudes inhérentes à l'article 3 de la proposition de loi laissent une marge considérable au juge dans l'appréciation de l'infraction, ce qui conduira inévitablement à l'arbitraire. On ne peut pas passer sous silence ces difficultés juridiques.
Vous nous parlez de la cagoule mais le texte n'est pas aussi précis. Le rapporteur cite fort justement les propos de Me Olivier Fouché, qui représentait le Conseil national des barreaux et que nous avons auditionné. Me Fouché estime difficile de définir où commence et où finit la circonstance aggravante. Qu'est-ce qu'une cagoule ? Où finit la capuche et où commence la cagoule ? En quoi le fait d'avoir des cheveux devant le visage ou de porter de grandes lunettes couvrant la moitié du visage permet-il de présumer que la personne cherche volontairement à dissimuler ses traits ?
Autant on peut admettre que le port d'une arme peut laisser supposer une intention mauvaise, autant il est excessif de le déduire du simple usage d'un accessoire vestimentaire qui peut juste suivre un effet de mode. À ma connaissance, on ne peut pas considérer qu'un accessoire soit en lui-même révélateur d'une dangerosité particulière.