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Intervention de Pascal Deguilhem

Réunion du 9 novembre 2009 à 15h00
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission des affaires culturelles et de l'éducation, commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, commission des affaires

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Deguilhem :

Madame la ministre, nous déplorons que vos efforts soient essentiellement concentrés sur l'affichage, voire sur les « têtes de gondole ». En effet, les différents « rayons » de la mission ne sont pas suffisamment remplis pour faire de l'université – de la connaissance – un pilier de la croissance durable et du développement social.

C'est un budget en trompe-l'oeil. On voudrait accepter en première intention ce qui, en réalité, n'est qu'une illusion parce que l'augmentation affichée n'est pas concentrée sur les crédits destinés à la vie étudiante, à la lutte contre l'échec – qui doit être une priorité – et à l'amélioration des conditions des enseignants.

Votre budget comporte bien comme prévu une augmentation de 1,8 milliard d'euros, mais, sur cette masse, à peine plus d'un tiers correspond à de nouvelles inscriptions budgétaires pour le service public de l'enseignement supérieur. L'effort portant essentiellement sur le budget de la recherche, il ne bénéficie en effet que de 995 millions dont plus de 130 issus d'un redéploiement du budget de l'État pour les retraites.

Votre ministère a été épargné par les suppressions de postes, dites-vous. On pourrait s'en satisfaire, sauf que, au regard de la priorité qui est la vôtre et celle du Président de la République, vous n'en créez pas, alors même que vous nous avez dit tout à l'heure qu'un certain nombre de postes n'étaient pas pourvus aujourd'hui – en réalité, plusieurs centaines.

La lutte contre l'échec des étudiants en premier cycle suppose une amélioration du taux d'encadrement ; or nombre d'universités ne disposent pas des moyens humains suffisants. La réussite de votre « plan licence » passe, elle, par des mesures d'accompagnement des étudiants et par des recrutements d'enseignants chercheurs, mais avec 170 millions d'euros, vous ne pouvez satisfaire à cette exigence. Et, s'agissant du fonctionnement des universités, il n'y a pas de création de postes d'ATOSS alors qu'il s'agit de ressources qui manquent cruellement aux établissements.

Transférant la gestion budgétaire de plus de 60 000 emplois à des universités aux responsabilités et compétences élargies, vous risquez de fragiliser les personnels et peut-être de créer davantage de précarité, du fait d'une compensation sans doute insuffisante.

Faiblesse des moyens pour soutenir les missions de l'université donc, mais aussi largesses fiscales en direction des entreprises. Au regard des plus de 2 milliards affectés en 2009, sans compter le remboursement des années antérieures, nous ne pouvons pas être totalement convaincus par votre analyse des premiers résultats du crédit impôt-recherche qui, sans bilan clair et trop facile d'accès, offre sans doute un effet d'aubaine à une grande majorité de déclarants. Je rappelle avec Jean-Yves Le Déaut l'urgence d'un rapport parlementaire à ce sujet.

Autre élément fort de votre communication, madame la ministre : le plan Campus, qui est une autre mystification. Cela ne pourra pas être 5 milliards d'euros sur cinq ans si l'on regarde les chiffres – intérêts des placements des 3,2 milliards de la vente des actifs d'EDF, 164 millions engagés pour cette année –, même si vous y comptabilisez – ce qui est abusif budgétairement – les PPP. Je pense que beaucoup d'universités et d'étudiants attendront encore longtemps les effets de ce plan Campus. Les bâtiments attendront, mais les étudiants aussi, car le programme 231 « vie étudiante» est selon nous – nous n'avons pas les mêmes chiffres que vous – en baisse de 38,7 millions d'euros, alors même que s'aggravent les inégalités d'accès et la dégradation de leurs conditions de vie.

Malheureusement, nous ne pourrons saluer le dixième mois de bourse, que le Président de la République s'est empressé d'annoncer, car il n'est pas financé dans votre budget, madame la ministre : il manque 155 millions d'euros. Comment allez-vous trouver les crédits nécessaires ?

Pour ce qui est du logement, j'ai bien entendu le rapporteur spécial dire que les réhabilitations se portent plutôt bien, mais le plan Anciaux prend du retard année après année. Avec 3 800 constructions nouvelles, nous serons loin des objectifs fixés au terme du plan. Dans le même temps, le coût du logement privé et la quasi-impossibilité pour une grande majorité d'étudiants d'accéder à un logement étudiant contribuent, aussi, à l'échec, en particulier en premier cycle.

Un autre point d'interrogation, sinon d'inquiétude, concerne le passage des emplois liés à la vie étudiante, et particulièrement des enseignants du SUAPS, du programme 231 au programme 150. N'est-ce pas là affaiblir leur spécificité ? Nous aimerions également en savoir davantage sur le sort des postes antérieurement mis à disposition de la FFSU.

Je n'ai pas évoqué les problèmes de statut, ni de revalorisation des enseignants, mais un certain nombre d'interrogations demeurent à ces égards aussi.

Dans le prolongement du rapport de ma collègue Guégot, je voudrais vous entretenir, madame la ministre, des difficultés auxquelles est confrontée aujourd'hui une grande majorité d'IUT, qui seront d'ailleurs devant l'Assemblée nationale demain après-midi. Malgré votre circulaire de début avril, visant selon vos propres termes à préserver une filière de réussite dans le cadre de l'autonomie des universités, tout le réseau des IUT est menacé, ce qui ne laisse pas d'inquiéter les élus locaux, les collectivités et les entreprises dans les territoires. Avec les ponctions financières et les prélèvements de personnel, avec les refus de signature de contrats d'objectifs et de moyens et la centralisation des fonctions et des budgets, tout ce qui a fait la force du réseau des IUT est remis en cause actuellement. Demain, vous rencontrerez les directeurs de ces instituts ; vous le savez, ils demandent un retour au fléchage de leurs moyens financiers et humains pour 2010. Pouvez-vous, madame la ministre, vous engager à afficher les moyens générés par les IUT dans chaque université à partir du mode de répartition de l'allocation de moyens, le SYMPA ? Pouvez-vous vous engager à intégrer les contrats d'objectifs et de moyens dans les contrats d'établissement, de façon à assurer à la fois leur lisibilité, leur existence future et le contrôle de leur application ?

Pour terminer, votre collègue Chatel a indiqué au Sénat, il y a une quinzaine de jours, qu'il souhaitait « proposer une solution pour chaque élève : l'excellence pour les meilleurs et une place dans l'enseignement supérieur pour les autres ». Je m'interroge sur cette formulation, sans doute, malheureuse. En tout état de cause, vos choix budgétaires semblent confirmer que les préoccupations du Gouvernement ne vont pas à l'enseignement supérieur ; c'est pourquoi nous ne voterons pas votre budget.

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