Les réponses sont complexes. Tout d'abord, l'excellence de l'école mathématique française, qui est la deuxième au monde, a étouffé le secteur informatique, les mathématiques pures ayant longtemps attiré davantage les talents que les mathématiques appliquées, jugées moins nobles.
Une deuxième réponse est que l'informatique est le parent pauvre de nos universités, les meilleurs résultats de recherche dans ce domaine étant souvent obtenus dans les grandes écoles d'ingénieurs. Du reste, alors qu'une dizaine d'universités françaises figurent dans les 100 premières places du classement de Shanghai pour les mathématiques, aucune n'y est citée pour l'informatique.
Nous avons corrigé le tir avec la création de l'INRIA, auquel de nouveaux moyens ont été donnés. Les engagements du contrat pluriannuel conclu avec cet institut ont été tenus, ce qui représente cette année une progression de 5 %. L'an dernier, 130 emplois ont été créés, malgré un contexte de suppressions de postes. Selon le rapport d'évaluation qui lui est consacré, l'INRIA est « star » dans certains domaines de recherche, mais ne devrait pas recruter davantage : mieux vaudrait pour lui se focaliser sur ses domaines d'excellence et tisser des liens avec l'université – ce qui est précisément l'objectif de l'alliance que nous allons établir entre cet institut, le CNRS et les universités. Les réticences du CNRS face à la création d'un dixième institut dédié à l'informatique s'expliquaient sans doute par la crainte d'un éventuel démembrement – crainte infondée car, comme on l'a vu dans le domaine des sciences du vivant, les alliances n'affectent ni le statut du personnel, ni la structure des organismes concernés, mais sont seulement destinées à permettre l'indispensable coordination de la réflexion stratégique en matière de recherche et de formation. Les excellents chercheurs du CNRS et de l'INRIA, les universités – qui, elles, souffrent de lacunes – et les grandes écoles doivent s'unir pour définir une stratégie dans ce domaine des technologies de l'information.
Les formations font défaut dans certains de ces domaines et de nombreux jeunes Français vont apprendre aux États-Unis à développer des logiciels sur certains supports. L'alliance devra donc formuler des propositions en matière de programmation Internet et de formation. Je tiens toutefois à préciser que nous avons eu l'immense satisfaction de voir décerner en 2008 le prix Turing – l'équivalent du prix Nobel pour les technologies de l'information – à Joseph Sifakis, chercheur d'un pôle d'exception développé autour de l'INPG et de l'université Joseph-Fourier de Grenoble.
Les pôles de compétitivité doivent travailler en lien avec les universités dans ces domaines. La question est donc tout à fait pertinente. Nous devons nous battre pour réaliser cette alliance en informatique.