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Intervention de Marie-Hélène Amiable

Réunion du 9 novembre 2009 à 15h00
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission des affaires culturelles et de l'éducation, commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, commission des affaires

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Hélène Amiable :

Madame la ministre, vous annoncez des crédits en hausse et un effort supplémentaire de 1,8 milliard d'euros. Vous déclarez aussi que la recherche constitue la première priorité budgétaire pour la troisième année consécutive. Le projet annuel de performance de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour l'année 2010 est pourtant plus sobre. À structures constantes, les moyens de la mission s'élèvent à 25 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 24 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une progression respectivement de 3,67 % et de 2,88 %.

Le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie, la nouvelle structure de consultation que vous avez installée en octobre 2008, semble également moins enthousiaste dans l'avis qu'il vient de rendre sur le projet du budget : « Depuis 2002, où le ratio dépenses intérieures de recherche-développementPIB était de 2,24 %, l'effort de recherche chute régulièrement. Avec un rapport de 2,04 % en 2007 et de 2,02 % en 2008, la France se situe au quatorzième rang mondial. Le taux de croissance de la dépense intérieure de recherche-développement française est ainsi le plus bas des pays de l'OCDE, le seul qui ait diminué depuis 1995 significativement en dessous de la moyenne de l'OCDE, qui s'établit à 2,29 %. Cette situation reste préoccupante. » Je continue : « Il convient de souligner l'accroissement d'année en année des annulations de crédit, entre le budget primitif du début d'année et le budget réalisé en fin d'année. »

En d'autres termes, les promesses ne sont pas tenues.

En outre, sur les 1,8 milliard d'euros annoncés, seulement 650 millions de plus sont prévus pour les établissements et les dispositifs de recherche et d'enseignement supérieur publics car 565 millions correspondent en réalité à des aides fiscales et 421 millions à des partenariats public-privé.

Les aides fiscales correspondent notamment au crédit d'impôt-recherche, c'est-à-dire à des réductions d'impôt égales à 30 % des dépenses de recherche dans la limite de 100 millions d'euros. Le crédit d'impôt-recherche engage des sommes considérables : 2 milliards d'euros en 2009. Surtout, l'industrie n'est pas la principale bénéficiaire du crédit d'impôt-recherche. Ce sont les services qui, avec 1 174 millions d'euros en 2007, absorbent près des deux tiers de la somme, en particulier les entreprises de services bancaires et d'assurance qui sont, avec 312 millions d'euros, les plus gros bénéficiaires. Ces éléments proviennent du rapport d'information du 2 juillet dernier sur l'application des mesures fiscales de Gilles Carrez. Il ajoute qu'à plus de 80 % ce sont les entreprises de plus de 250 salariés qui en profitent, et non les PME.

D'après ce rapport, l'investissement dans la recherche-développement engendrerait des externalités positives, la recherche contribuant à la création d'un stock de connaissances dont le bénéfice se diffuse à la société dans son ensemble. En 2007, ce sont près de 930 établissements bancaires qui ont obtenu 312 millions de crédit d'impôt-recherche au titre de la recherche sur les produits financiers. La société dans son ensemble a pu apprécier à quel point lesdites banques ont anticipé la crise !

L'année dernière, dans l'hémicycle, vous aviez accepté, madame la ministre, le principe d'une évaluation du crédit d'impôt-recherche. Vous avez pris un décret en août 2009 pour mieux sécuriser le mécanisme. Les entreprises pourront désormais obtenir en trois mois une prise de position formelle sur le caractère scientifique et technique de leurs projets, opposable à l'administration fiscale en cas de contrôle. De plus, l'absence de réponse vaut approbation.

Les parlementaires sont pourtant en droit d'obtenir la ventilation exacte des crédits sur lesquels ils doivent se prononcer. Nous constatons pour notre part que l'effort de recherche de la France est au plus bas – 2,02 % du PIB en 2008. Et si l'on exclut la recherche militaire, les financements budgétaires de la recherche civile ne représentent que 0,53 % du PIB, soit une baisse de 31 % en cinq ans. La recherche publique est en danger. Pour la deuxième année consécutive, la recherche privée recevra davantage que la recherche publique puisque 74 % des nouveaux crédits de la recherche lui sont destinés.

Les organisations syndicales déplorent la mise au pas des thématiques et des équipes, l'asservissement aux intérêts à court terme des grands groupes industriels, la mise en concurrence des individus et des laboratoires, la rationalisation des coûts et des implantations scientifiques, la casse des garanties du statut de fonctionnaire, voire du statut lui-même. D'après vos projets, le CNRS devrait ainsi être soumis à un contrat d'objectifs et de moyens qui entérine sa mise au pas.

Ces mêmes organisations réclament un plan de création de postes dans les organismes de recherche – 5 % des effectifs de titulaires des organismes parents – et dans les universités, et une augmentation immédiate des crédits de base des laboratoires de 25 %, afin de lutter contre l'emploi précaire et de leur permettre de se libérer d'une politique de projets à court terme tels que les financent l'Agence nationale de la recherche ou les programmes européens. Elles demandent aussi une revalorisation des carrières sur la base d'une reconnaissance des qualifications, sans prime individualisée.

Le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie rappelle depuis plusieurs années « qu'une planification pluriannuelle de l'emploi scientifique est indispensable pour donner une visibilité à moyen terme et encourager les jeunes à s'engager dans la voie scientifique ». Et celui-ci d'ajouter : « pour assurer l'attractivité des métiers de la recherche, il est urgent de poursuivre l'effort de revalorisation de l'ensemble des métiers et des carrières. »

Vos services, madame la ministre, prévoient une chute de 30 % des doctorants d'ici à dix ans. Comment lutter contre cette tendance ?

Dans l'attente de vos réponses, madame la ministre, les députés de la Gauche démocratique et républicaine réaffirment à la nécessité de doubler le budget de la recherche publique pendant la législature. En l'état, ils donnent un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission.

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