Madame la ministre, le Président de la République a fait de la recherche une des priorités de son quinquennat. La crise économique et financière a renforcé le caractère impérieux d'un effort national en sa faveur : c'est pour la France le seul chemin vers la croissance et le succès. Les discussions sur le contenu du futur grand emprunt ont désigné une fois de plus la recherche comme l'une des clés de l'avenir de notre pays. Il y a donc unanimité sur le sujet.
Ce budget concrétise cette prise de conscience et ces engagements, tant par l'augmentation des moyens financiers que par leur application à des réformes de structure mises en oeuvre à l'université comme dans nos grands organismes de recherche. Cependant, pour avoir conduit avec mes collègues Claeys et Lasbordes les travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle sur les pôles de compétitivité, j'ai pu mesurer les difficultés persistantes que rencontre notre pays pour transformer les résultats de nos chercheurs en autant de réussites industrielles. De même, pour avoir rencontré les responsables de nos meilleurs organismes de recherche, j'ai pu mesurer leur volonté d'attirer les chercheurs de talent, mais aussi leurs besoins criants de moyens pour motiver et, surtout, retenir ceux-ci.
Nos efforts doivent aller dans ces deux directions : augmentation des moyens financiers et réformes des structures. Cependant, cela ne suffira pas si nous ne prenons pas davantage en compte l'aspect humain de la recherche et, en conséquence, les conditions de la réussite de nos chercheurs.
J'ai rencontré des responsables de recherche ou de laboratoire et j'ai constaté qu'ils ne réclamaient pas davantage d'argent pour eux-mêmes, mais des moyens supplémentaires pour chercher et trouver, et surtout des garanties juridiques et financières pour continuer d'attirer les meilleurs jeunes diplômés dans leurs équipes.
Il faut investir plus encore pour qu'une grande part d'entre eux s'engage dans la voie de la recherche. Il faut les payer davantage et les inciter à poursuivre leurs travaux le plus loin possible, jusqu'à l'aboutissement de ces travaux sur le marché. Je sais qu'il existe un clivage entre recherche fondamentale et débouchés industriels. Mais l'étude sur les pôles de compétitivité nous a montré qu'il fallait absolument réussir à construire un tel maillage. Or cette nécessité se heurte à la question statutaire, qui limite les rémunérations tout en freinant les recrutements, sans suffisamment sécuriser les chercheurs ni récompenser leurs résultats.
Nous ne ferons pas l'économie de ce choix. Il sera le vrai marqueur de notre nouvelle ambition nationale.
Madame la ministre, ma première question portera sur l'attractivité des carrières de la recherche et sur les mesures qui ont été prises pour l'améliorer. Le ministère a créé une nouvelle prime d'excellence pour les chercheurs et les enseignants chercheurs ; 130 chaires d'excellences seront financées. Ce sont de bonnes mesures, qui étaient très attendues par les chercheurs responsables d'organismes de recherche, soucieux de conserver ou d'attirer des scientifiques chevronnés ou de jeunes chercheurs prometteurs. Comment ces mesures sont-elles mises en oeuvre aujourd'hui ?
Ces mesures sont néanmoins insuffisantes pour permettre aux organismes de recherche de recruter sur le plan international des chercheurs prometteurs ou de proposer des situations très attractives à de talentueux chercheurs français sollicités par les organismes ou les universités étrangères. Les directeurs des organismes de recherche voient souvent de jeunes chercheurs tout juste primés au sein de leur organisme accepter à l'étranger des postes dont les avantages élevés sont annoncés d'emblée dans l'offre de contrat. De leur côté, pour parvenir à offrir une position attirante, ils doivent réunir des primes en provenance de plusieurs organismes.
Il faut permettre aux organismes de recruter des chercheurs et ingénieurs en CDI pour développer un projet de recherche ou diriger une équipe.
Les directeurs d'organisme auditionnés ont souligné que nos laboratoires manquaient de chercheurs capables de diriger des équipes importantes. Il faut donc essayer d'attirer des chercheurs managers étrangers.
Notre recherche a besoin de cette souplesse de recrutement, car les possibilités actuelles, lorsqu'il s'agit de recrutement par contrat, hors position statutaire, sont limitées dans le temps – trois ans prolongeables deux ans.
Laissons aux organismes la latitude de fixer la rémunération à un niveau suffisant si l'on veut qu'elle soit attractive. Actuellement, les offres sont notoirement inférieures à celles proposées dans d'autres pays concurrents comme le Royaume-Uni, sans même se référer à ce qui se passe aux États-Unis. Les organismes de recherche se disent d'ailleurs prêts à faire face aux dépenses liées à ces contrats exceptionnels sur leurs ressources propres.
Je proposerai un amendement visant à accroître la liberté de recrutement des organismes de recherche.
La réforme des organismes de recherche est en oeuvre depuis deux ans. Quels sont les résultats de la nouvelle organisation sur la programmation de la recherche ? Une coordination s'est-elle établie entre les organismes, en fonction des priorités définies par le Gouvernement ? Enfin, une coordination s'est-elle établie avec l'Agence nationale de la recherche (ANR) ?
L'Institut Pasteur n'avait pas vu ses crédits augmenter pendant quatre années. Le Parlement a voté en loi de finances pour 2009 un amendement visant à augmenter ses crédits de 2 millions d'euros, amorçant un rebasage de sa subvention. Or l'exécution des crédits montre précisément un gel de 2 millions d'euros concernant l'Institut.
L'année dernière, deux chercheurs issus de cet institut ont reçu le prix Nobel de médecine. Le ministère doit accroître son soutien à cet organisme prestigieux, qui participe au rayonnement de la France.
L'Institut Pasteur poursuit un important programme de rénovation de bâtiments, financé par le ministère et la région, avec la construction d'une unité entière, qui abritera le futur centre de biologie intégrative des maladies émergentes, lequel doit entrer en service en 2011.
Pour prendre en considération les besoins d'investissement et de fonctionnement de l'Institut, je proposerai un amendement contribuant à la progression de sa dotation, tout en souhaitant que l'effort consenti lui profite réellement et ne soit pas, une fois de plus, annulé par l'effet des gels de crédits.
Ma dernière question portera sur la mobilité entre la recherche et l'entreprise, qui est encore très faible malgré les améliorations apportées par la loi d'orientation : quelle est la position du ministère et comment pourrait-on mettre en place des passerelles efficaces ?