Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici à l'heure de vérité. Dans quelques minutes, il va falloir que nous prenions nos responsabilités pour voter enfin cette proposition de loi et mettre un terme à dix ans de renoncements, de refus, de faux-fuyants. Nous aurions dû, depuis dix ans, adopter un texte qui pénalise la négation du génocide arménien. Nous ne l'avons pas fait pour les motifs que vous connaissez tous.
Pour ma part, je vois cinq raisons fondamentales de voter la proposition qui nous est soumise.
Premièrement, nous devons le faire pour les victimes. Comment peut-on imaginer que, dans le pays des droits de l'homme, certains aient encore le droit de nier l'extermination, en 1915, d'un million et demi d'Arméniens, alors que la France a reconnu ce génocide ?
Comment peut-on accepter en France, comme l'a dit René Rouquet à juste titre, qu'en niant l'extermination de ces Arméniens, nous participions collectivement à leur mort ? C'est vraiment en pensant à eux en leur mémoire que nous devons leur donner la possibilité de reposer enfin en paix.
Deuxièmement, nous devons le faire pour leurs descendants qui sont venus sur notre terre de France, qui ont décidé, compte tenu de leurs difficultés, de rester dans notre pays, de devenir des citoyens éclairés de la République française. Comment pouvons-nous aujourd'hui les côtoyer, leur parler, tout en acceptant que certains puissent nier l'extermination de leurs parents, grands-parents, arrière-grands-parents ? Comment pouvons-nous aujourd'hui regarder droit dans les yeux ces Arméniens qui ont accepté depuis 1915 de devenir des citoyens exemplaires de notre République et un symbole d'intégration, sans leur donner la possibilité de défendre, grâce à la loi, la mémoire de leurs disparus ?
Troisièmement, nous devons le faire pour réparer un vide juridique. Deux génocides ont été reconnus par la France. L'un ne peut pas être nié, la Shoah, et c'est tout à l'honneur de notre pays. L'autre, le génocide arménien, peut l'être. Comment expliquer cela, à la fois aux Arméniens, mais aussi tout simplement aux citoyens français ? Nos concitoyens ne comprennent pas cette distinction juridique. Comme le disait à l'instant M. Diefenbacher, il y a peut-être des risques. Mais ces risques, nous devons les prendre car ce vide juridique est insupportable pour la mémoire collective. Comment peut-on justifier une telle différence de traitement ?
Quatrièmement, nous devons le faire pour l'honneur de la politique et de la République. Mes chers collègues, arrêtons l'hypocrisie, à droite comme à gauche. Depuis des années, nous assistons aux commémorations le 24 avril, nous allons dans les meetings électoraux, nous sommes reçus par des associations arméniennes. Tous autant que nous sommes, nous avons promis aux Arméniens de France de faire voter ce texte.