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Intervention de Pascale Crozon

Réunion du 22 décembre 2011 à 9h30
Répression de la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascale Crozon :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les propos de René Rouquet, que je partage. Lorsque j'ai lu la proposition de loi, je me suis posé la question suivante : appartient-il au politique de dire l'histoire ? À cette question, que nous a posée le président Accoyer et à laquelle nous avons réfléchi collectivement au sein de la mission d'information sur les questions mémorielles, nous avons répondu que le propre d'une démocratie est de reconnaître l'histoire comme une matière vivante qui ne saurait être figée dans le marbre de la loi et qu'il revient non au Parlement, mais aux historiens, de nous la faire connaître et aux juges de la qualifier. Telle est toujours ma position.

J'ai beaucoup lu et entendu, ces derniers jours, que cet argument suffirait à repousser la proposition de loi, qui pourrait être qualifiée de mémorielle. C'est, je crois, une mauvaise interprétation, pour ne pas dire un faux procès. En effet, il ne s'agit pas, pour nous, aujourd'hui, de dire l'histoire. Nous ne sommes pas réunis dans cet hémicycle pour désigner des bourreaux ou des victimes, ni pour faire acte de repentance ou de reconnaissance. En revanche, nous sommes dans notre rôle de législateur en bâtissant le cadre positif et général qui nous permettra enfin de sortir de ce débat. Un cadre qui respecte et consacre le rôle du juge international pour déterminer les actes qui relèvent d'un génocide, un cadre qui offre, sur cette base et à tous, les mêmes moyens juridiques pour lutter contre les insultes à la mémoire, dont fait partie la négation du génocide arménien.

Cette démarche me paraît nécessaire, pour au moins deux raisons. Tout d'abord, il nous faut sortir de cette insupportable concurrence des mémoires, qui nous a conduits, par le passé, à hiérarchiser les blessures de l'histoire. Or telle est précisément la démarche qui est la nôtre aujourd'hui lorsque nous conférons, sans discrimination ni exclusive, la même force de droit aux décisions rendues par les tribunaux et cours pénales internationales qui ont eu et, je le crains, auront encore à qualifier les actes relevant de génocides, comme ce fut le cas au Rwanda, ou dans l'ex-Yougoslavie.

Et le génocide arménien, me demanderez-vous ? À cette question, qui attire l'attention de nos concitoyens et des médias sur nos débats de ce matin, je veux répondre simplement, mais fermement. La France reconnaît l'existence du génocide arménien ; nul, dans cet hémicycle, ne soutient le contraire. Elle le reconnaît pleinement. Elle ne le reconnaîtra pas moins demain si cette proposition de loi n'est pas votée.

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