Malheureusement, ce texte n'a jamais été examiné par la Haute assemblée en raison de l'absence de majorité, de gauche comme de droite. C'est d'ailleurs ce que nous avons pu tristement constater le 4 mai dernier, lorsque le Sénat a rejeté une initiative parlementaire similaire par l'adoption, à l'unanimité des membres de la commission des lois, d'une exception d'irrecevabilité soutenue notamment par Robert Badinter.
À cet instant, j'ai pensé que nous avions perdu une bataille, mais pas la guerre, contre le négationnisme, et qu'il était de notre devoir de proposer une nouvelle solution législative. Constatant le rejet du Sénat, qui paraissait insurmontable, je me suis engagée à poursuivre le combat, en tant que vice-présidente du groupe d'amitié France-Arménie, et avec le soutien sans faille d'éminentes personnalités, dont le président de la commission de la défense de l'Assemblée nationale, notre collègue Guy Teissier.
Lors d'une réunion à Marseille, j'ai annoncé que je déposerais un nouveau texte juridiquement plus solide. C'est ce que j'ai fait en m'appuyant sur les travaux d'un avocat marseillais, maître Philippe Krikorian, que je tiens à féliciter. Aujourd'hui, je me réjouis que le Gouvernement ait trouvé un espace pour cette initiative parlementaire dans l'ordre du jour de notre assemblée, de façon à ce que ce texte puisse être adopté avant la fin de la législature.
Il s'agissait d'ailleurs d'une promesse que le Président de la République avait faite lors de son dernier voyage en Arménie, auquel j'ai eu l'honneur de participer, avec le président du groupe d'amitié, ici présent aujourd'hui. Je constate une fois de plus que la promesse a été tenue, malgré les pressions et les menaces incompréhensibles de la part de certains pays, sur lesquelles je reviendrai.
Cette proposition a été cosignée par cinquante députés. Je tiens à remercier plus particulièrement devant vous Roland Blum, Guy Teissier et Patrick Devedjian, qui ont été les premiers à le faire. Ma proposition de loi visait à transposer une décision européenne dont l'objectif est de faire en sorte que les infractions racistes et xénophobes soient passibles dans tous les États membres d'un niveau minimum de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives – en l'occurrence, un an d'emprisonnement au minimum et trois ans au maximum.
La principale innovation du texte consistait à pénaliser la négation des crimes de génocide, et cela – permettez-moi d'y insister – dans un cadre bien précis, en l'espèce lorsque le comportement est exercé de manière à inciter à la violence ou à la haine à l'égard d'un groupe de personnes ou d'un membre d'un tel groupe. C'est sur ce dernier point que la loi française doit être mise en conformité avec le droit européen et c'est tout l'objet de la proposition de transposition partielle que je vous soumets aujourd'hui.
Au terme d'un travail très consensuel que nous avons mené à la commission des lois – et je voudrais à cet égard féliciter les collègues des différents bancs de l'Assemblée pour leur attitude républicaine –, ma proposition de loi a été amendée avec ingéniosité par le président Jean-Luc Warsmann, pour bien circonscrire le dispositif légal aux seuls crimes de génocide reconnus par la loi française et ainsi ne pas ouvrir la boîte de Pandore, c'est-à-dire l'élargir à l'ensemble des crimes contre l'humanité ou crimes de guerre dont la reconnaissance reste encore fragile ou discutable.
Intitulée désormais « proposition de loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi », elle est composée de deux articles.
Le premier consiste, par la création d'un article 24 ter dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, à pénaliser les personnes qui auront contesté ou minimisé de façon outrancière l'existence des crimes de génocide définis par l'article 211-1 du code pénal et reconnus comme tels par la loi française. Cet article permet donc de punir pénalement les personnes qui contestent en France le génocide reconnu par la loi du 29 janvier 2001. Les peines encourues sont décrites dans le présent texte.
Le second article ouvre le droit aux associations défendant les intérêts moraux et l'honneur des victimes de génocide, comme le Conseil de coordination des organisations arméniennes de France, d'agir en justice pour faire reconnaître les infractions prévues à l'article premier, à savoir la contestation ou la minimisation outrancière des crimes de génocide. Je vous proposerai d'ailleurs un amendement pour consolider ce texte.
Mes chers collègues, à l'heure où le Président de la République, interrogé sur la nécessité pour la France de faire adopter une loi spécifique réprimant la négation du génocide arménien, répondait que « si la Turquie ne reconnaît pas le génocide arménien il faudra aller plus loin », cette proposition de loi offre une solution législative nouvelle et difficilement contestable puisqu'elle est inspirée du droit européen.
Je tiens à préciser qu'il ne s'agit en rien d'une loi mémorielle comme certains souhaitent le croire ou le faire croire. Il s'agit simplement d'une loi prévoyant de pénaliser ceux qui contestent, sur notre territoire, l'existence des génocides que nous avons reconnus nous-mêmes par la loi.