En fait, il aurait mieux valu parler du droit pour les assemblées d'empêcher la tenue d'un référendum, car elles disposent bien de ce droit.
Quant au droit pour les parlementaires minoritaires ou d'opposition d'obtenir qu'une proposition de loi soit examinée par les assemblées, ils l'ont déjà et ils n'ont pas besoin de représenter 20 % du Parlement puisqu'il leur suffit d'utiliser les niches prévues par l'article 48, alinéa 5, de la Constitution, repris et mis en oeuvre par l'article 48 du règlement. Chaque groupe politique, quel que soit son effectif, peut en bénéficier. Il me semble d'ailleurs que le président Warsmann en a fait la remarque en commission.
Il y aurait pourtant de nombreux sujets sur lesquels le peuple pourrait utilement se prononcer par référendum.
On a ainsi pu constater l'engouement suscité par la votation du 3 octobre 2009 concernant La Poste. On pourrait d'ailleurs se pencher sur la question des services publics en général. À propos du droit de vote des étrangers aux élections locales, si l'UMP y est opposée, les sondages montrent que le peuple y est favorable. Les lois sur les collectivités territoriales ont été désavouées, c'est le moins qu'on puisse dire, par les électeurs – au suffrage indirect avec les élections sénatoriales de septembre dernier ; l'explication du changement de majorité au Sénat pourrait se trouver là.
Autres sujets : nos régimes de retraite pourraient prendre en compte la pénibilité pour compenser les différences cruelles d'espérance de vie ; le débat sur la création d'un cinquième risque de sécurité sociale et sur la prise en charge de la dépendance a été repoussé aux calendes grecques par le Gouvernement.
Le peuple pourrait également se prononcer sur la politique de santé publique, sur l'éducation, la politique de l'emploi et de la croissance dans un pays qui compte désormais 4,193 millions de demandeurs d'emploi, sur la gestion de la monnaie en période de crise prolongée de l'euro et de la dette publique – et plus précisément sur le rôle de la Banque centrale européenne, la taxe sur les transactions financières, la séparation des banques de dépôt et des banques d'investissement.
Pour ce qui est des prétendues nouvelles possibilités d'initiative référendaire prévues par l'article 11 révisé de la Constitution, le gouvernement Fillon-Sarkozy y est allé à reculons, à contrecoeur. D'ailleurs, cette disposition était absente du projet initial de révision constitutionnelle. Ce sont des amendements des différents groupes politiques, notamment d'opposition, qui ont introduit la modification dont nous discutons à nouveau aujourd'hui pour la mettre en oeuvre.
Ainsi l'étude d'impact – on devrait lire plus souvent les études d'impact – qualifie-t-elle d'« initiative partagée, donnant la priorité à une initiative parlementaire, laquelle doit être soutenue par un mouvement populaire ». En notant, au passage, la référence au « mouvement populaire », qui fleure bon son UMP, je trouve la formule assez juste : le mot « référendum » a disparu et le mot « priorité » est très clair : « priorité à une initiative parlementaire ».
On prévoit en effet un verrou parlementaire au départ et un verrou parlementaire à l'arrivée, et la probabilité d'un référendum est quasiment nulle : soit il existe une majorité pour voter la proposition de loi et, dès lors, à quoi bon organiser un référendum puisque la proposition sera adoptée par le Parlement ; soit il n'y a pas de majorité et une lecture dans chaque assemblée suffira à le constater et à empêcher le recours au référendum.
Examinons plus précisément le déroulement des opérations puisque c'est de cela qu'il s'agit dans les deux projets de loi.
Au cours de la première étape, une proposition de loi est défendue par 20 % des membres du Parlement, soit 185 d'entre eux. L'initiative est donc bien parlementaire, de surcroît réservée aux groupes politiques les plus importants en effectifs.
La deuxième étape est le contrôle de la recevabilité et de la constitutionnalité du texte par le Conseil constitutionnel. Il s'agit notamment de vérifier que la proposition de loi s'inscrit bien dans le cadre du référendum tel que le prévoit l'article 11. Ce champ ne comprenant pas les garanties fondamentales des libertés publiques, c'est là une restriction supplémentaire.
Troisième étape : le recueil des soutiens populaires, fixés à 10 % du corps électoral – un seuil très élevé qui correspond à 4,5 millions d'électeurs –, doit s'effectuer en trois mois. Cette procédure de recueil des soutiens est diligentée par le Gouvernement, c'est-à-dire par le ministère de l'intérieur. On peut imaginer qu'il y consacrera une énergie et des moyens variables, une force de conviction inégale selon les sujets concernés. Cela sous le contrôle d'une commission ad hoc, elle-même toujours supervisée par le Conseil constitutionnel.
Décidément, on veut lui en confier, des missions, au Conseil constitutionnel. C'est la mode !
Certains voudraient le charger de faire appliquer une règle d'or budgétaire. Des lois-cadres d'équilibre des finances publiques, modifiables périodiquement, seraient soumises à son contrôle. Selon quels critères ? Ensuite, le Conseil constitutionnel vérifierait obligatoirement la conformité des projets de lois de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale aux lois-cadres d'équilibre des finances publiques. Il s'agirait d'un Conseil constitutionnel à mi-chemin entre la Cour des comptes et une agence de notation.
Espérons que, pour le respect de ladite règle d'or ou pour le décompte des soutiens populaires au titre de l'article 11 de la Constitution, le Conseil constitutionnel s'y prendrait différemment de la façon dont il a traité les comptes financiers de la campagne présidentielle de 1995. J'imagine que tout le monde a lu le récent entretien accordé le 1er décembre dernier au Parisien par Jacques Robert, professeur de droit et président honoraire de l'université Panthéon-Assas, membre du Conseil constitutionnel de 1989 à 1998.
M. Robert raconte – et c'est, si j'ose dire, assez ébouriffant – la manière dont ont été vérifiés les comptes de campagne de MM. Balladur et Chirac.
On lui demande d'abord s'il se souvient des comptes de M. Balladur et il répond par l'affirmative, précisant : « Les comptes du candidat Balladur […] étaient […] irréguliers. » C'est la première fois que je lis une citation d'un membre du Conseil constitutionnel de l'époque affirmant que les comptes étaient irréguliers !