« En progrès, mais peut nettement mieux faire. » Tel est le jugement pédagogique que suscitent les projets de loi que nous étudions.
Ce jugement un peu sévère vise un élève persévérant, mais lent, la démocratie française. Née entre 1789 et 1791, elle s'identifie au changement de souverain qui a lieu à cette époque. Le souverain, c'est désormais la nation, l'ensemble des citoyens, des Français en âge et en capacité de voter et d'exprimer la volonté générale.
L'idéal en avait été conçu par Rousseau : « Le souverain ne peut être représenté que par lui-même », écrit-il dans Du contrat social.
Le réalisme a limité cette ambition et imposé le régime que nous connaissons, l'aristocratie élective, le meilleur des régimes représentatifs selon Rousseau, dont les limites ont sans cesse, bien que lentement, été reculées. Le cercle des électeurs s'est élargi. Celui des élus aussi, à l'intérieur des limites logiques de la citoyenneté et de la nationalité.
Les textes d'aujourd'hui nous invitent à nous rapprocher de l'idéal démocratique qui est la démocratie directe. Celle-ci se pratique dans certains pays davantage que chez nous. J'ai évoqué la Révolution et donc la fin du XVIIIe siècle. J'observe que les deux régions du monde les plus avancées en termes de démocratie à l'époque, les États-Unis et ce qui est aujourd'hui la Confédération helvétique utilisent largement la démocratie directe.
Notre frilosité – j'emploie le même mot que Claude Bodin tout à l'heure – nous conduit à renoncer à aller très loin dans cette direction : l'initiative populaire n'est plus qu'une initiative partagée entre le Parlement et le peuple.
Les arguments sont bien faibles : on ne peut, dit-on, à la fois élargir les pouvoirs du législatif au détriment de l'exécutif et les restreindre au profit du peuple. Les deux mouvements vont pourtant dans le même sens, celui d'une plus grande participation – et ce mot résonne toujours avec beaucoup de force dans certaines oreilles qui ont été marquées par le gaullisme.