Nous ne sommes pas aujourd'hui suffisamment organisés pour répondre, par exemple, à la demande d'une grande entreprise du bâtiment qui, ayant un million d'heures de clauses d'insertion à réaliser en France, visera un public jeune tout en insistant sur la qualité du travail à réaliser – elle souhaitera obtenir de nous les éléments lui permettant d'évaluer les prestations que nous sommes susceptibles de lui fournir.
Pour nous rapprocher des entreprises, qui connaissent elles aussi des problèmes de recrutement, nous pouvons cibler le public « jeune ». Il faut également que les différents acteurs de l'économie sociale et de l'insertion par l'activité économique coopèrent davantage encore entre eux tout en implantant leurs structures dans les quartiers en difficulté, qu'ils ont eu trop tendance, ces dernières années, à négliger pour se rapprocher de leurs clients. Installer une agence de travail temporaire d'insertion dans un quartier en difficulté permet de recréer du lien social. De plus, nous savons nous adresser à ce public. La jeunesse est une de nos préoccupations majeures, d'autant que, dans certaines cités, le taux de chômage dépasse 50 % dans cette population en âge de travailler.
On évalue toujours les entreprises d'insertion comme un dispositif d'accompagnement – dans le budget de l'État, la ligne concernée est située entre celle de la mission locale et celle de la maison de l'emploi –, oubliant qu'elles sont également un outil de création de richesses comme n'importe quelles autres entreprises. Leur chiffre d'affaires a progressé, en 2010, de 11 % et la masse salariale qu'elles versent a crû exactement dans la même proportion : notre développement bénéficie donc en totalité à l'emploi. Toutefois, dans cette masse, la part des salaires d'insertion a stagné : ce sont des emplois classiques que nous avons créés, parce que nous n'avons pas suffisamment de postes d'insertion pour développer notre fonction sociale.
Il convient d'évaluer notre secteur et ses différents outils non seulement du point de vue de la commande publique à laquelle nous répondons, mais également du point de vue purement économique, lequel est aussi important pour le développement des parcours que l'accompagnement social et professionnel que nous réalisons. Il faut passer de l'évaluation exclusivement fondée sur le taux de retour à l'emploi à une évaluation prenant aussi concrètement en compte la professionnalisation, la qualification et la contribution à la régulation sociale dans les territoires. Cela représenterait un changement d'échelle en termes de volume et un changement d'appréciation de nos dispositifs en termes qualitatifs – il est normal de justifier l'utilisation de l'argent public –, tout en nous permettant de dégager les conditions optimales de coordination de nos activités. Pris isolément, chacun de nos dispositifs présente de l'intérêt, mais leur maillage permettrait de doubler leur efficacité. Du reste, aujourd'hui, des entrepreneurs sociaux de plus en plus nombreux disposent de plusieurs outils d'insertion : j'ai une entreprise d'insertion, une entreprise de travail temporaire d'insertion et un chantier d'insertion. Je suis adhérent de toutes les fédérations correspondantes, pour coordonner les actions que je mène et donner au public que je vise de meilleures chances de quitter rapidement et, si possible, définitivement l'exclusion.
L'image que nous souhaitons vous donner est celle de la solidarité et de la coordination, ce qui est assez nouveau dans notre secteur. Les fédérations sont prêtes à faire l'objet d'une meilleure évaluation et leurs présidents à aller sur le terrain régler les éventuels problèmes de concurrence entre associations. L'insertion par l'activité économique doit être vue, non comme une simple somme de coûts, mais comme une dépense d'investissement, en prenant en outre en compte toutes les taxes que nous payons, car nous sommes assujettis à la réglementation sociale et fiscale.