S'agissant de nos relations avec les entreprises, certaines, heureusement minoritaires, nous voient encore comme des concurrents du fait que nous sommes subventionnés. Cependant, la plupart ont compris qu'il s'agit là d'un mauvais procès. La difficulté à laquelle nous nous heurtons est bien plutôt celle de l'interconnaissance : les personnes que nous prenons en charge n'imaginent pas pouvoir tenir un emploi industriel et le secteur industriel ne pense pas pouvoir les embaucher. Or nous ne disposons d'aucun financement pour mieux faire connaître nos publics dans les entreprises, de manière à ce qu'elles mesurent la difficulté d'une insertion durable pour quelqu'un qui, à un moment de son existence, a été « cassé », et adaptent leurs comportements en conséquence. De notre côté, nous, entreprises d'insertion, devons acquérir la culture de ce secteur marchand.
Pour ce qui est des marchés publics, les appels d'offres ne correspondent pas toujours aux moyens des entreprises d'insertion – comment, par exemple, soumissionner pour l'aménagement d'un rond-point quand il y faut une goudronneuse que nous n'avons pas ? Il faut donc convaincre les collectivités locales de recourir à l'allotissement. De plus, il arrive que certaines souhaitent que nous acceptions de réaliser des travaux, auparavant exécutés par un employé communal, à un prix inférieur au juste prix. Il faut donc insister sur la valeur économique de nos actions, trop souvent regardée comme secondaire. Savez-vous que nous ne connaissons même pas le chiffre d'affaires réalisé par l'ensemble des structures d'insertion par l'activité économique ? Alors que chacune fournit son chiffre d'affaires annuel et qu'il serait donc facile de faire le total, nous ne connaissons pas le montant de ce que nous produisons parce que personne ne veut le calculer, si bien que l'insertion par l'activité économique est perçue uniquement comme un coût, non comme un investissement.