Quand ce travail d'évaluation de la performance des politiques sociales en Europe a été lancé, nous étions nombreux à penser que, compte tenu de l'ampleur de la tâche et de la difficulté de comparer les différents systèmes européens, nos rapporteurs auraient du mal à aboutir. Or, non seulement ils ne se sont pas noyés dans le sujet, mais ils ont su établir des comparaisons entre ces systèmes et faire des recommandations intéressantes : je les en félicite et remercie Pierre Méhaignerie d'avoir suggéré ce thème de travail.
Les rapporteurs ont souligné l'importance des politiques sociales comme amortisseurs de la crise. Une étude récente de l'OCDE indique en particulier que l'accroissement des inégalités a été contenu grâce à ces politiques, même si elle fait aussi apparaître que l'écart s'est creusé en la matière avec les 0,1 % ou les 0,01 % les plus riches.
Cela étant, il faut examiner l'efficience et l'efficacité des dépenses en question, mais de façon fine, et non selon la méthode globale de la révision générale des politiques publiques (RGPP), sujet abordé il y a deux semaines par le CEC. On peut par certaines réorganisations simples, dont on peut aisément convaincre les acteurs concernés, obtenir des systèmes plus efficients et peut-être plus efficaces. Certaines mesures prises dans le passé se sont en revanche révélées inopportunes.
En arrière-plan se pose la question de l'harmonisation sociale en Europe, qui est un vaste sujet d'actualité. Il n'est pas de convergence économique et politique possible sans elle. Nous devrons veiller à ce que cette harmonisation, qui ne doit pas être confondue avec l'uniformisation, se fasse par le haut, sous peine de remettre en cause les bienfaits des politiques sociales.
J'ai relevé dans le rapport l'importance des collectivités territoriales, notamment la spécificité des conseils généraux – dont les politiques sociales méritent également d'être harmonisées à certains égards – : j'ai, à ce sujet, des réserves sur la réforme territoriale adoptée par le Parlement il y a quelques mois, dans la mesure où elle tend à confondre des collectivités dont le rôle est largement différent.
Je relève aussi le besoin de stabilité des règles, notamment concernant les contrats aidés. Les acteurs économiques et sociaux en France ont beaucoup de mal à cet égard : trop souvent, une règle est à peine publiée qu'elle est déjà modifiée !
S'agissant de la politique sociale vis-à-vis des parents isolés, j'apprécie plus l'approche retenue par ce rapport que celle du rapport sur la fraude sociale de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) : aborder la politique à l'égard des publics défavorisés ou en difficulté, notamment des parents isolés, sous l'angle de la fraude en présupposant qu'ils seraient des profiteurs, est désagréable et inadapté. L'approche proposée ici permettra de régler plus efficacement les problèmes de ces populations, qui doivent faire l'objet d'une politique ciblée, contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays.
Par ailleurs, je retrouve certaines conclusions des travaux de la Mecss sur la protection du jeune enfant dans la recommandation n° 12, tendant à instaurer une allocation de congé parental d'un montant plus élevé et sur une période plus courte, de manière à assurer la stabilité économique de la famille tout en maintenant le lien à l'emploi.
Quant à la prise en charge des demandeurs d'emploi, on constate que la réforme de Pôle Emploi est insuffisante : il ne suffit pas de réunir l'ANPE et les Assedic ! J'apprécie à cet égard les recommandations 7, 8, 9 et 10, qui portent sur les entretiens relatifs à l'indemnisation des chômeurs et à leurs projets professionnels en distinguant les deux – chacun devant faire l'objet d'une réponse spécifique –, de même que sur l'approche globale du demandeur d'emploi ou sur la nécessité de renforcer les compétences et l'autonomie des conseillers de Pôle Emploi et d'adapter les moyens de cet opérateur à la conjoncture et au niveau de chômage – ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
En conclusion, ce rapport est important et utile ; il comporte des outils méthodologiques et des préconisations précises auxquelles il faut donner suite, que ce soit au sein de la Commission des affaires sociales ou des autres commissions de l'Assemblée nationale.