Sur l'organisation centrale de la conduite de cette politique et ses perspectives d'évolution, la Cour a constaté que la mise en oeuvre de la politique de l'hébergement depuis 2008 a reposé sur une coordination plus étroite des services de l'État, tant au niveau central que local. Incontestablement, la création, en 2008, d'un délégué général pour la coordination de l'hébergement et de l'accès au logement, qui est devenu en 2010 le délégué interministériel à l'hébergement et à l'accès au logement, a renforcé la conduite interministérielle de la réforme, notamment dans la phase de concertation – ô combien cruciale – avec les associations et lors du lancement des premières mesures. L'enquête de la Cour souligne cependant les difficultés et les limites de l'action du Dihal, qui ne gère aucun crédit d'intervention et dont l'efficacité repose essentiellement sur sa capacité de négociation et son pouvoir de persuasion.
Dans la perspective de la mise en place d'un service public de l'hébergement et de l'accès au logement, la question de l'organisation à prévoir pour l'avenir afin de préserver le caractère interministériel de cette politique se pose en effet. Les responsables qui ont été auditionnés par la Cour évoquent trois solutions possibles : d'abord, le maintien de la situation actuelle, qui a la préférence des directions d'administration centrale. Cette solution conjugue un pilotage coordonné par les deux directions centrales, la DGCS et la DHUP, toutes deux placées sous l'autorité de la ministre chargée de l'Écologie, du développement durable, des transports et du logement. Elle repose sur le rôle de mobilisation et d'animation exercé par le Dihal avec les autres ministères concernés, de l'intérieur, de la santé, de la justice, de la jeunesse et des sports, et tout le secteur associatif.
La deuxième solution marquerait une évolution. Elle viserait à modifier l'organisation des compétences entre les directions centrales et conduirait à regrouper au sein d'une même entité les missions relevant du logement et celles afférentes à l'hébergement en transférant la gestion des crédits consacrés à l'hébergement et figurant dans le programme 177 à la DHUP, qui deviendrait ainsi le pilote central de la politique du logement et de l'hébergement.
La troisième solution consisterait à créer une agence dédiée à la politique de l'hébergement qui intégrerait les moyens humains et financiers des directions actuellement en charge de la conduite de cette politique. Une variante de cette solution tendrait simplement à prévoir la reprise de cette politique par une agence existante, l'Agence nationale de l'habitat (Anah), l'Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru) ou l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé).
Il est apparu à la Cour que la réflexion n'était pas suffisamment avancée pour pouvoir se prononcer sur une réforme de la gouvernance. Elle a considéré par ailleurs qu'il convenait d'attendre les résultats de la politique en cours, qui pourraient utilement éclairer les options à retenir.
S'agissant du bien-fondé de conduire une politique publique en s'appuyant sur un grand nombre d'opérateurs privés non lucratifs et de travailleurs sociaux n'ayant pas le statut d'agent public, il ne faut pas oublier que la plupart des politiques sociales sont précisément mises en oeuvre par des opérateurs privés non lucratifs relevant très fréquemment de la loi de 1901. Le secteur associatif a souvent pris la suite de l'action caritative traditionnelle des églises ou s'est imposé en l'absence d'initiatives prises par l'État. C'est le cas pour la politique en faveur des personnes handicapées et des personnes âgées ou de l'accueil de la petite enfance, domaines dans lesquels les structures d'accueil sont généralement gérées par des associations.
Le secteur associatif est donc un partenaire essentiel des pouvoirs publics dans toutes ces politiques publiques sociales. Le maillage territorial qui s'est ainsi constitué, l'expérience et les compétences accumulées sont des atouts considérables dont il paraît très difficile, voire inopportun, de se priver. En revanche, l'État, qui finance les associations gestionnaires par voie de subventions ou de dotations globales, doit être en mesure de contrôler le bon usage des financements accordés à ces associations, le respect des directives d'action qu'il donne et la qualité des prestations fournies. À cet égard, le rôle des services déconcentrés est très important pour pousser les opérateurs à se professionnaliser et à rechercher une plus grande efficience de leur gestion.
Sur ce terrain, la Cour a constaté des faiblesses dans l'exercice par l'État de la tutelle sur les opérateurs de la politique d'hébergement. C'est pourquoi elle recommande que la démarche de contractualisation avec les associations, qui est déterminante pour rationaliser et mieux structurer les opérateurs, soit rapidement conduite.
S'agissant du statut des travailleurs sociaux, les salariés des associations relèvent de conventions collectives auxquelles ils sont très attachés. Le fait qu'ils n'aient pas le statut d'agent public paraît sans incidence sur la qualité des services offerts aux personnes concernées par les politiques sociales.