L'exercice auquel nous nous livrons aujourd'hui est important pour le groupe Radio France, même s'il est délicat : nous allons, en cette fin d'année 2011, étudier les résultats de l'année 2010 alors que la situation évolue rapidement, notamment en termes d'audience. Il n'en demeure pas moins que cette audition constitue un moment privilégié pour vous exposer les ambitions du groupe.
Comme l'a noté avec justesse M. le président Jérôme Cahuzac, on observe un léger écart entre nos objectifs en termes d'audience et les résultats atteints l'an dernier, mais cette situation s'est modifiée en notre faveur lors de la dernière saison, puisque l'audience de toutes les antennes du groupe a progressé en 2011, en particulier celle de France Info qui a connu la croissance la plus spectaculaire. Je rappelle que cette antenne constituait, lors de ma prise de fonctions, un vrai cas d'école : que devait-on en faire, alors que son audience régressait mécaniquement du fait de la concurrence de nouveaux modes de consommation de l'information ? Le chantier que nous avons entrepris a finalement donné des résultats : l'antenne a gagné cette année 500 000 auditeurs, ce qui est un des meilleurs résultats sur le marché de la radio.
Le marché global de la radio se porte d'ailleurs mieux que nous ne pouvions l'espérer il y a trois ans de cela, époque où l'on parlait d'une érosion inévitable de l'audience de ce média : plus de 43 millions de Français l'écoutent chaque jour. Il ne s'agit donc pas d'une industrie en crise. Cela étant, les modes de consommation évoluent et nous devons accompagner ce mouvement.
Permettez-moi de présenter les résultats du groupe par antenne.
France Inter se porte bien puisque, dans la dernière « vague » d'audiences de Médiamétrie, elle a atteint ses meilleurs résultats depuis sept à huit ans. Ceux-ci, obtenus sur un marché très compétitif, sont un motif de satisfaction.
France Culture réussit également à obtenir de bons résultats, en ayant battu deux fois son record d'audience cumulée, à 1,8 %. Ce taux peut sembler éloigné de celui des antennes généralistes, mais rappelons qu'il s'agit d'une radio très particulière, qui dispose d'un vrai socle d'auditeurs et dont l'accès devient de plus en plus aisé, ce qui me laisse à penser que les options choisies par la direction de cette antenne sont les bonnes.
Le réseau France Bleu constitue un axe de développement essentiel du groupe. Son audience s'est stabilisée à environ 7 % et se caractérise par une durée d'écoute longue, ce qui est évidemment une bonne nouvelle. Ce réseau couvre actuellement les trois quarts du territoire national ; nous comptons le développer, ce qui est un exercice ambitieux et difficile car les ressources en fréquences sont devenues rares. Nous ne baissons pas pour autant les bras car nous considérons que cette antenne assure un service de proximité indispensable, contrepartie de la redevance acquittée par nos concitoyens. Les taux d'audience démontrent d'ailleurs ce caractère de radio de proximité. Ils ne se limitent plus à être importants lorsque surviennent des intempéries ou des catastrophes naturelles. France Bleu est devenue une radio écoutée quotidiennement, quelles que soient les circonstances.
J'ai deux petits soucis sur deux antennes, mais lorsque les choses évoluent, de tels soucis peuvent devenir des points d'intérêt. La première antenne concernée est France Musique, dont j'étudie la situation avec attention. Elle doit relever un pari difficile en raison de son cahier des charges qui diffère de celui des autres radios spécialisées dans la musique classique. Il nous faut respecter l'intégrité culturelle de cette antenne. Il ne s'agit donc pas de diffuser les « 500 meilleurs titres classiques » pour gagner de l'audience. Les missions de l'antenne sont plus larges : il lui faut satisfaire et respecter les mélomanes, mais aussi mener des actions de pédagogie en matière musicale, ce qui est plus compliqué que de diffuser les premiers mouvements des symphonies les plus connues... Nous ne dérogerons pas à cette obligation. J'estime que malgré cette difficulté, l'audience peut être améliorée. Nous avons longtemps cherché la solution, jusqu'au printemps dernier où nous avons discuté avec les équipes et les producteurs de France Musique. Mon mot d'ordre a été le suivant : « il ne suffit pas d'aimer la musique pour être producteur à France Musique, il faut aussi aimer la radio ». Cela a certes un peu choqué, mais nous en avons débattu avec les producteurs de l'antenne, qui sont extrêmement compétents mais qui ont un « tropisme » musical plus que radiophonique. J'estime possible de conserver la qualité des programmes et de concilier ceux-ci avec l'amour de la radio. Nous avons obtenu de premiers résultats d'audience encourageants ; notre travail sur ce point est constant.
Nous avons d'ailleurs institué un comité éditorial hebdomadaire du groupe Radio France qui réunit les patrons des différentes antennes et permet d'harmoniser les positions, de dégager un esprit de groupe et ainsi d'éviter que la vision de chacun se limite à sa propre antenne. Au final, s'agissant de France Musique, je suis plus optimiste qu'il y a un an et je constate que les choses semblent évoluer favorablement.
Le second point qui me tient à coeur est la situation du Mouv', qui aura bientôt quinze ans. Cette antenne est « mal née » : créée à Toulouse, elle n'y bénéficiait d'un taux de notoriété que de 60 % avant son transfert à Paris, alors que ce taux aurait dû être de 100 %. Des choix devaient être opérés car à l'évidence, l'audience de cette antenne n'était pas satisfaisante. Pour autant, s'agissant d'un public d'auditeurs jeunes, l'audience doit-elle constituer le seul critère d'appréciation des résultats ? Il est aussi possible de doter cette antenne de véritables ambitions dépassant la seule activité radiophonique. On constate aujourd'hui que les jeunes ne votent pas et qu'ils manifestent un faible intérêt pour les sujets d'actualité. Nous devons avoir pour ambition de ne pas abandonner ce terrain : il nous faut offrir un contenu réellement intéressant et varié aux post-adolescents et jeunes adultes.
Nous avons donc beaucoup investi sur cette antenne, notamment financièrement. Elle avait été constituée « de bric et de broc ». Il nous a fallu engager sa « remise en état » et la transférer à Paris, ce qui n'a pas été simple sur un plan social, de nombreuses personnes ayant été recrutées à Toulouse. Nous avons dû lui faire de la place dans la Maison de la Radio, en plein chantier. Nous avons également dû financer sa grille de programmes et lui donner les moyens d'une existence éditoriale. Cette antenne est désormais dotée d'un jeune directeur, M. Patrice Blanc-Francard, qui, fort de sa longue expérience dans le domaine de la radio, a su « rediscipliner » l'antenne, dans le sens positif du terme, trouver les bons formats et respecter le projet que nous avions engagé. Nous avons pour Le Mouv' une vraie ambition, celle de diffuser une culture qui ne soit pas au rabais, alliant actualités, informations et débats politiques auxquels les personnels politiques se livrent d'ailleurs avec gentillesse et entrain, ce qui me semble très positif. Je vous invite ainsi à écouter la matinale du Mouv', qui est de grande qualité. Tous ces points sont encourageants, même si les choses n'avancent pas aussi vite que je le souhaiterais, car il est plus facile de lancer une radio que de relancer une antenne qui a déjà quinze ans. L'audience n'est certes pas au rendez-vous, mais les résultats ne sont pas choquants. Nous avons pris des risques et je compte respecter nos engagements en termes d'audience pour Le Mouv' au terme fixé par le COM.
Je souhaite par ailleurs évoquer les formations musicales du groupe, constituées de plus de quatre cents musiciens professionnels. Dotées d'un budget important, elles répondent à une vraie ambition. Nous voulons à tout prix les soutenir et les aider, même si cela peut, parfois, être compliqué car il s'agit d'un monde très particulier. Lors de ma prise de fonctions, les deux formations tendaient à être en compétition, ce qui n'était pas forcément malsain mais ne pouvait être satisfaisant au regard du cahier des missions et des charges qui prévoyait deux formations aux répertoires et aux vocations différentes. Il nous a fallu restaurer une vraie relation de confiance avec leurs chefs, s'expliquer sur le projet artistique de chaque formation et faire comprendre que leur employeur étant Radio France, celui-ci pouvait à bon droit exercer ses responsabilités et un certain contrôle. Nous avons aujourd'hui de très bonnes relations avec les directeurs musicaux de Radio France.
Le choeur de Radio France constitue une « belle machine », mais à surveiller : certains chanteurs vieillissent, ce qui nécessite un accompagnement aussi bien artistique que social. Le groupe est en outre doté de deux maîtrises dont l'une, située à Bondy, résulte d'un projet de mon prédécesseur. Elle fonctionne très bien. Elle représente certes une charge supplémentaire, mais elle mérite qu'on consente des efforts pour la pérenniser.
J'ai été interrogé sur la « révolution numérique ». Elle a évidemment des conséquences importantes pour le groupe. Cela m'a pris un certain temps de savoir jusqu'où nous devions aller en termes d'investissements financier et en personnel pour accompagner les changements ; la visibilité n'est pas évidente dans ce domaine. Je suis aujourd'hui accompagné de M. Joël Ronez, directeur des nouveaux médias, que vous pourrez interroger sur ces questions. C'est un homme imaginatif et réaliste, très au fait des nouveaux médias. Depuis son arrivée au sein du groupe, nous assistons à une « révolution des esprits », ce qui compte au moins autant que les moyens financiers.
S'agissant de la gestion financière du groupe, qui constitue le « nerf de la guerre », je pense pouvoir dire que la maison est bien tenue, les indicateurs établis par le COM étant respectés. Nous avons subi un « coup de rabot » à hauteur de deux millions d'euros, mais cet effort ne me paraît pas choquant dans la période que nous traversons. Nous en avons tiré les conséquences et les économies nécessaires seront faites. Cette somme est évidemment importante au regard du budget de Radio France qui dispose de marges de manoeuvre limitées : la masse salariale en représente 60 %, auxquels il convient d'ajouter les frais de diffusion, droits d'auteurs et autres charges communes qui sont importants. Néanmoins, nous ferons face. Notre actionnaire nous a donné les moyens de vivre et de nous développer et j'ai déjà eu l'occasion de dire combien j'étais sensible à cette compréhension à notre égard.
Le maillage territorial du réseau France Bleu, auquel nous nous sommes consacrés à marche forcée, doit être poursuivi. De nouvelles stations ont récemment été créées au Mans et à Toulouse ; la création d'une station à Saint-Étienne est quasiment engagée. Ces opérations représentent des investissements importants mais nous bénéficions de la compréhension des élus locaux, quelle que soit leur appartenance politique. Chacun est en effet conscient du relais que constitue cette radio pour diffuser la « parole des territoires ». France Bleu est un grand pourvoyeur d'informations locales sur l'ensemble du territoire français, comme le démontre le traitement des informations provenant du Mans par France Info et France Inter.
Madame Lucie Muniesa, directrice financière du groupe, est à votre disposition, si vous le souhaitez pour répondre à d'autres questions entrant dans son champ de compétences.
Concernant les effectifs du groupe, le COM prévoit 4 619 équivalents temps plein. Ce plafond sera respecté. Radio France devant se développer, que ce soit pour renforcer le réseau France Bleu ou sur les nouveaux médias, le groupe devra donc trouver ses ressources en interne, ce qui suppose que nous communiquions sur ce point avec nos équipes, qui doivent aussi faire face à l'évolution des métiers avec la montée en puissance du numérique. Nous menons également un effort important de formation, notamment grâce à notre Campus Radio France qui permet l'intégration des personnels dans le groupe et dont les formations sont tout autant reconnues que certains diplômes.
J'évoquerai enfin le chantier de réhabilitation de la Maison de la Radio qui répond à des exigences de sécurité contre les risques d'incendie. Nous n'avions pas le choix ; il m'a fallu signer les ordres de chantier dix jours après mon arrivée à la présidence du groupe. Il s'agit d'un chantier important, alors que nos équipes continuent de travailler intra-muros, ce qui n'est pas sans poser de grandes difficultés, notamment sociales, liées à des déménagements multiples. La première phase des travaux est achevée, avec deux mois de retard liés à des intempéries et deux autres mois de retard en raison d'aléas de chantier. La deuxième phase qui concerne notamment la façade est désormais entamée. La tour a été entièrement rénovée. Certains ajustements ont dû être opérés en fin de chantier, ce qui a pu « faire grogner », mais les équipes sont désormais installées dans des locaux modernes.