Avant leur examen, je tiens à expliquer l'état d'esprit de nos amendements. J'ai entendu à deux reprises en commission de la part de M. Alfred Marie-jeanne, mais aussi de la part du ministre à trois reprises, que ce n'est pas un texte de décentralisation. Mais personne n'a dit que c'en était un. Premièrement, le texte de décentralisation a déjà été voté. Deuxièmement, la décentralisation est inscrite à l'article 1er de la Constitution, dont l'article 73 offre des possibilités d'adaptation tant sur le plan législatif que réglementaire, et ce serait très compliqué à réécrire. Troisièmement, en 2010, les peuples martiniquais et guyanais ont fait un choix extrêmement précis : celui d'avoir une évolution des responsabilités à leur rythme et à leur manière. Peut-être certains voudraient-ils aller plus vite, mais toujours est-il que les peuples ont choisi.
Cela dit, monsieur le rapporteur, quand vous dites que ce n'est pas un texte de décentralisation, vous posez un faux problème et un faux débat. Ce projet de loi doit s'inspirer de l'esprit de décentralisation de la Constitution, de l'esprit de son article 73 – et de l'article 74 pour ceux qui y sont favorables : pour ma part, je le trouve assez bizarre et procédant d'un état d'esprit parfaitement néocolonial.
Dans un tel contexte, les adaptations que nous demandons sont tout à fait respectables et je ne comprends pas du tout que l'on puisse nous reprocher de vouloir transformer ce projet en texte de décentralisation. Quand Christiane Taubira parle d'établir un lien particulièrement fort entre l'infrastructure portuaire, dotée d'une gouvernance désormais modernisée, et le développement économique, est-ce une faute ? Lorsqu'on dit que cette nouvelle gouvernance pourrait permettre de mieux domicilier la relation entre institutions de développement locales et aménagement du territoire, en impliquant davantage les collectivités grâce à l'amendement de notre collègue Berthelot qui propose de nommer le directoire sur proposition du conseil de surveillance, où siègent des représentants des collectivités, est-ce aller à l'encontre de la décentralisation ?
Je le dis très clairement : s'il y a une faille dans le système proposé, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, le statut de grand port maritime ne doit pour autant pas vous conduire à nier l'esprit de décentralisation et l'esprit de responsabilisation.
Le problème du transfert de la responsabilité de ces ports à la demande de la collectivité d'outre-mer était déjà posé en 2004. Les ports d'outre-mer étaient alors des ports d'intérêt national, ce qui leur conférait un statut d'État particulier, exactement comme les préfets dans les départements et régions d'outre-mer. C'est certainement du fait de cette caractéristique qu'ils n'ont pas été transférés aux collectivités, et non en raison de je ne sais quelle volonté individuelle, car il serait complètement stupide d'empêcher une collectivité régionale d'obtenir la gouvernance d'un port.