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Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 15 décembre 2011 à 21h30
Réforme des ports d'outre-mer relevant de l'État — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristiane Taubira :

Et je tiendrai dans les délais, monsieur le président, à la surprise générale ! (Sourires.)

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, je n'insisterai pas plus qu'il ne faut sur le défaut insupportable de ce texte : je veux parler de ces deux pages d'habilitation à légiférer par ordonnance. Vous avez vous-même parlé, monsieur le rapporteur, de voiture-balai, en indiquant que la principale cause d'une telle situation était la négligence du Gouvernement, qui ne respecte pas scrupuleusement, à tout le moins, le calendrier européen. Une fois de plus, le Parlement lui a cédé la main sur l'acte majeur de ses missions : l'élaboration de la loi.

Ce texte nous est soumis trois ans après la loi de juillet 2008. Un tel délai serait justifié par la grande diversité de statuts des ports en outre-mer et par le fait que la conjoncture en 2008 et au début de 2009 n'était pas propice à la réforme, notamment en raison des mouvements sociaux.

J'y vois a priori deux bonnes nouvelles : la première, c'est que le Gouvernement a compris que l'on ne peut pas impunément faire la guerre à la géographie, et qu'il vaut mieux regarder de près les réalités pour essayer d'y réaliser des infrastructures et d'y appliquer des règles qui lui correspondent, plutôt que l'inverse, comme on le fait trop fréquemment.

La seconde bonne nouvelle, c'est que le Gouvernement a, semble-t-il, compris que les mouvements sociaux, dont il convient de rappeler qu'ils étaient organisés contre la vie chère, suggéraient qu'il s'interroge d'urgence sur les situations monopolistiques qui concentrent les circuits d'importation et de distribution de telle sorte que l'enchérissement du prix des biens de première nécessité dans les territoires ultramarins atteint de 40 % à 200 %.

Lorsque vous dites, monsieur le rapporteur, qu'en outre-mer les ports ne sont pas seulement des zones d'activité mais aussi des poumons économiques, vous faites preuve de perspicacité. Seulement, il ne faut pas s'arrêter au milieu du gué : si ces ports jouent un rôle majeur, névralgique, stratégique, c'est parce qu'ils sont le lieu cardinal de la vie économique.

En Guyane, le taux de couverture des importations par les exportations est de 15 %, ce qui signifie que le taux de dépendance vis-à-vis de l'extérieur est de 85 %. Pour le port, où transitent 95 % des échanges, cela représente 36 000 mouvements annuels qui se décomposent comme suit : 18 000 conteneurs qui arrivent remplis, 16 000 qui repartent vides… et seulement 2 000 qui repartent pleins. Pleins de quoi ? En ce moment, ils repartent pleins de rebuts, de ferrailles, de déchets de l'industrie spatiale, et le reste de l'année principalement avec du mobilier lié au déménagement de fonctionnaires ! Voilà l'activité du port de Dégrad-des-Cannes.

Ces 36 000 mouvements montrent d'ailleurs que la question de l'outillage ne se pose pas dans les mêmes termes en Guyane. On considère, par exemple, que le volume d'activité nécessaire pour l'établissement de portiques en vue de sécuriser l'activité est de 70 000 ou 80 000 mouvements. Le port de Guyane ne possède donc pas de tels outillages.

Je parle de Dégrad-des-Cannes, mais l'on pourrait également évoquer les trois autres ports. Ma collègue a évoqué Pariacabo, qui dépend de Dégrad-des-Cannes, mais il y a aussi le vieux port de Cayenne, le port de Larivot et le port fluvial de Saint-Laurent-du-Maroni, qui pourraient tous contribuer au transport maritime et ne le font pas.

Ajoutons que le port de Dégrad-des-Cannes est construit sur une côte à fort envasement, ce qui nécessite un dragage quotidien, pour un coût annuel de plus de 5 millions d'euros, auquel l'État participe seulement à hauteur de 60 %, alors que l'article L. 111-4 du code des ports maritimes dispose qu'il doit prendre en charge la totalité des frais de dragage.

Le chenal a été élargi de trente mètres et approfondi de cinquante centimètres. Depuis ces travaux, la quantité de matière extraite chaque mois du chenal est passée de 350 000 à un million de mètres cubes. Le sujet n'est donc pas négligeable et reviendra forcément sur la table.

Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur, que la gestion bicéphale de l'État et de la chambre de commerce – en Guyane, la chambre de commerce a reçu en 1988 une concession de cinquante ans – engendrait des défaillances. Il conviendrait sans doute de s'interroger aussi sur le défaut de logique et même le caractère antiéconomique du fait qu'un territoire aussi étendu et enclavé ne dispose que d'un port unique, qui plus est exigeant un dragage quotidien !

Vous avez, disais-je, cité la gouvernance comme défaut majeur. Il faudra regarder comment l'État résoudra les problèmes, notamment s'agissant du dragage, à présent qu'il reprend totalement la main. Il est courant que l'État prenne la main dans les structures mixtes. Les collectivités sont en l'occurrence invitées, et c'est tant mieux : c'était une modernisation indispensable et ce sera une incontestable source de légitimité. Nous verrons si l'État assume ses responsabilités, notamment celles que lui donne la loi.

M. le rapporteur a également insisté sur l'importance de conforter le rôle des ports des outre-mer au service du développement endogène. Pour que ce ne soit pas là qu'une incantation, avec des effets magiques attendus éternellement, nous espérons que le Gouvernement sera attentif au rapport de la commission des finances sur le CIOM et la LODEOM, qui montre à quel point les applications restent insuffisantes.

Un dernier mot sur le pétrole…

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