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Intervention de Serge Letchimy

Réunion du 15 décembre 2011 à 21h30
Réforme des ports d'outre-mer relevant de l'État — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Letchimy :

…une porte d'entrée et de sortie.

C'est aussi un enjeu social et économique. Le fonctionnement de nos ports, vous le connaissez. Le développement de nos pays ne passe pas uniquement par une réflexion sur des infrastructures : c'est peut-être là un des reproches que je ferai, et sur lequel je reviendrai tout à l'heure. Il faut un lien entre l'infrastructure portuaire et le développement du pays, ce qui n'est pas sans poser difficulté.

Pour ce qui est des habilitations, monsieur le rapporteur, je suis totalement solidaire avec vous. Pour commencer, c'est un véritable fourre-tout et, puisqu'on y met tout, j'en profiterai pour proposer un amendement relatif aux aéroports. Après tout, puisque l'on parle de transport, pourquoi ne pas mettre également les aéroports ? Le problème, c'est que nos aéroports sont appelés à devenir des sociétés aéroportuaires dans lesquelles l'État participera à hauteur de 60 %. Ce qui pose la question de l'outillage, puisqu'il est indiqué que l'État se retirera progressivement au profit du secteur privé. Si vous ne souhaitez pas que l'outillage soit privatisé, vous ne pourrez qu'être favorable à l'un de mes amendements qui tend justement à éviter une privatisation des aéroports d'outre-mer et particulièrement de celui de la Martinique.

Plus généralement, le recours aux habilitations aboutit à priver le Parlement de ses prérogatives, avec les risques que cela engendre. Et puisque vous parlez de consultation locale, monsieur le ministre, je vous suggère de bien consulter localement avant de rédiger votre ordonnance sur les conditions d'accès à la profession de transporteur routier ou de marchandises. Que risque-t-il de se passer ? Si vous appliquez la directive européenne, tous les transporteurs individuels de ces quatre régions vont disparaître. En effet, on leur exige un niveau 3, à savoir un BTS ou un DUT. Ce niveau 3, dans la formulation de l'Europe, exclut totalement les VAE. Si voulez permettre à quelqu'un de travailler et si vous lui ôtez la possibilité de valider ses acquis de l'expérience, alors que le niveau exigé n'est pas accessible, vous créerez de véritables problèmes. Je vous demande donc, monsieur le ministre, d'être très attentif lorsque vous rédigerez cette ordonnance si vous voulez éviter de perturber des personnes qui travaillent dans ce secteur depuis très longtemps.

Si ce texte est très attendu, il n'est pas sans présenter deux faiblesses très importantes.

La première concerne la gouvernance en soi. D'un côté, vous exprimez le besoin de renforcer la présence des collectivités territoriales, et pas seulement là où se trouve le port. Tant mieux ! Pourquoi pas ? D'une manière générale, vous voulez renforcer la présence de la collectivité territoriale, départementale, régionale et demain à la Martinique, la collectivité unique. Vous parlez de modernisation de la gouvernance en lien avec l'aménagement du territoire. Vous donnez d'ailleurs une certaine importance au lien entre l'accessibilité au port et le port lui-même. Vous parlez aussi de décentralisation – permettez-moi sur ce point de ne pas être d'accord sur l'interprétation de l'article 73 dont il faudra revoir un jour la rédaction, sans même parler de l'article 74.

Reste que, pour moi, la domiciliation de la gouvernance passe par une présence beaucoup plus forte des collectivités territoriales. Vous avez consenti une petite avancée, monsieur le rapporteur, en proposant de soumettre la nomination des personnes qualifiées et du responsable du directoire à l'avis des collectivités territoriales. Entre une dizaine de personnes – onze pour la Guyane et la Guadeloupe – sur dix-sept, et les collectivités territoriales, dont on sait le poids, vous créez un rapport déséquilibré qui ne leur permettra justement pas de bien s'impliquer dans le développement économique, alors même que j'ai insisté à l'instant sur l'importance du lien entre le port et le développement économique. Sans oublier le fait que chaque grand investissement en matière portuaire pèse de plus en plus lourdement sur les collectivités : ainsi, l'extension du terminal de la Martinique s'élève à 70 millions d'euros. Pour l'instant, l'État a apporté 2 millions d'euros… Nous sommes donc à la recherche de 68 millions d'euros. Les collectivités ont de plus en plus de responsabilités dans le domaine du développement.

Le lien à établir entre l'activité portuaire et le développement économique dans des pays comme les nôtres est fondamental,pour deux raisons. La première, c'est notre taux de chômage : il est, vous le savez, est de 23 à 25 % ; 60 % de nos jeunes de moins de vingt-sept ans sont inactifs. Mais on le répète tellement ici que cela finit par devenir banal… À ce propos, il serait judicieux et intéressant d'adosser à l'activité portuaire une zone d'activité avec une zone franche permettant de relancer la production et surtout de relancer l'exportation. Si vous vous contentez d'améliorer l'infrastructure d'un port et que l'importation domine à près de 90 %, le pays ne se développera pas : il sera régi par un système de consommation accrue, ce qui ne créera ni activité ni emploi. Or nous n'avons pas entendu parler de zone d'activité.

En conclusion, pour intéressant ce soit ce texte, nous serons très attentifs au sort réservé aux amendements que nous allons présenter. L'un d'eux, que j'ai cosigné avec vous, a trait au conseil de coordination interportuaire, mais il en est d'autres également, qui proposent des avancées significatives sur l'organisation. Nous nous prononcerons en conséquence. Développer un port, le moderniser, ce n'est pas seulement moderniser sa gouvernance ; c'est aussi faire en sorte qu'il soit un parfait relais pour accroître le développement économique de ces pays et permettre de réduire le chômage.

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