Il n'est donc pas surprenant que les trois années qui nous séparent de la réforme portuaire de 2008 aient été mises à profit par les instances portuaires locales qui ont largement anticipé cette évolution.
Du point de vue social, l'organisation de la manutention portuaire est réglée. À Port Réunion, il n'y a pas de dualité de commandement entre portiqueurs et dockers. Tous sont déjà personnels des sociétés de manutention. Les instances représentatives du personnel sont mises en place et fonctionnent déjà, conformément au code du travail, depuis septembre 2011.
Par ailleurs, toutes les formalités requises étant désormais remplies, la convention collective nationale unifiée du secteur portuaire, conclue en mai dernier, pourra être intégralement appliquée dès lors que la présente loi sera votée. Les personnels de Port Réunion pourront alors bénéficier de dispositions particulièrement attendues, notamment la prise en compte de la pénibilité et la cessation anticipée d'activité.
Du point de vue administratif et technique, les conditions pour une mise en oeuvre rapide sont également réunies dans la mesure où les bilans comptables de la concession Port Réunion sont clairement définis et séparés de ceux de la chambre de commerce et d'industrie de la Réunion.
Si l'on ajoute à ces évolutions la décision de maintenir dans la sphère publique les outillages de manutention, il est aisé de comprendre pourquoi cette réforme portuaire, contrairement à ce qui s'est passé en 2008 en France continentale, recueille aussi bien l'adhésion des professionnels de l'Union maritime de la Réunion que celle des organisations syndicales représentatives des personnels portuaires.
En ce qui nous concerne, ce projet de loi revient donc surtout à étendre à Port Réunion, en les adaptant, les instances de la nouvelle gouvernance des établissements publics portuaires. Nous saluons à cet égard, monsieur le rapporteur, votre initiative qui prévoit de consulter les collectivités territoriales sur les personnalités qualifiées appelées à siéger au sein du conseil de surveillance.
Ce large consensus s'explique aussi par la conscience aiguë de la place particulière qu'occupe un port dans un territoire insulaire. À la Réunion, tout a commencé par l'océan, et le bateau a été, pendant longtemps, le lien exclusif avec l'extérieur. Aujourd'hui, en dépit d'un trafic aérien toujours plus dense, le trafic maritime, pour les marchandises, reste largement dominant. Port Réunion reste la principale porte d'entrée dans l'île.
Du fait de l'explosion du trafic maritime mondial qui illustre et accompagne la globalisation des échanges économiques, ce rôle prédominant est appelé à se renforcer. La globalisation redessine en effet la carte des routes maritimes et Port Réunion est situé sur l'un des axes désormais majeurs de cette carte, celui qui, via l'océan Indien, relie l'Asie à l'Afrique. Cet axe préfigure la grande route maritime sud-sud que la Chine est en train de construire entre l'Asie et l'Amérique latine, via le continent africain. On retrouve là la stratégie chinoise du « collier de perles » dans un océan qui constitue déjà un passage vital pour le transport des ressources énergétiques entre le Moyen-Orient et l'Asie de l'est.
Outre sa position sur l'axe traditionnel sud-nord entre l'Europe et les pays de l'océan Indien, Port Réunion se retrouve donc sur un nouvel axe transversal appelé à se développer fortement. Cette situation privilégiée doit être confortée. Ce projet de loi y contribue, mais il est indispensable d'assortir la nouvelle gouvernance d'une ambition renouvelée, et de faire du futur grand port maritime de la Réunion une véritable plate-forme de transbordement. Le seul grand port européen de l'océan Indien ne doit pas jouer un rôle secondaire. Il ne peut pas être réduit à un simple lieu de stockage, mais doit devenir un haut lieu de transit et de transbordement.
Si dans les régions d'outre-mer, les installations portuaires ont le monopole pour l'approvisionnement de leur marché intérieur, elles subissent, en revanche, la concurrence des ports situés dans leur grand voisinage. Il est indispensable que le grand port maritime de la Réunion, qui dispose d'un équipement moderne et dont le niveau de technicité est reconnu, comme d'ailleurs les compétences de ses personnels, dispose de l'ensemble des moyens nécessaires pour devenir partie prenante de nouveaux trafics, surtout en matière de transbordement. Port Réunion doit devenir un port d'éclatement du sud-ouest de l'océan Indien. C'est à cette condition que le port pourra non seulement créer des activités et des emplois, mais encore devenir un outil au service du développement économique de la Réunion, qui en a bien besoin. C'est dans cette perspective que les collectivités, communale et intercommunale, où se situe le port ont entamé un important travail de réflexion sur le positionnement stratégique de la zone arrière portuaire. Partageant l'adage des professionnels du secteur selon lequel « la bataille maritime se gagne à terre », ces collectivités projettent de réaménager les zones péri-portuaires, mais aussi, grâce à de nouvelles infrastructures de déplacement et d'éclatement, de favoriser l'articulation avec l'arrière-pays qui, on le sait, coïncide, outre-mer, avec l'ensemble du territoire.
Pour technique qu'elle soit, cette réforme devrait aussi avoir un impact sur la vie quotidienne des Réunionnais, et particulièrement sur leur pouvoir d'achat. La nouvelle gouvernance et les gains de productivité induits par le développement du port devraient, en effet, contribuer à limiter le prix de traitement des marchandises et, donc, l'inflation. De même, devraient être prévenues les situations de quasi-monopole et notamment les ententes illicites entre les opérateurs. On sait que des ententes, qui ont duré plus de deux décennies, viennent d'être sanctionnées.
Vous n'ignorez pas, monsieur le ministre, vous savez, monsieur le rapporteur, à quel point les professionnels de la Réunion adhèrent à cette réforme. C'est rare, mais je vais voter, pour une fois, une réforme proposée par ce gouvernement ! Ils souhaitent continuer à anticiper sa mise en oeuvre. Pour cela, ils demandent la nomination à la Réunion, dès le début de l'année prochaine, d'un préfigurateur.
J'ai à coeur de permettre à nos installations portuaires d'affronter dans les conditions optimales l'accroissement des échanges mondiaux. Je souhaite renforcer l'attractivité économique de nos territoires. Par conséquent, et bien que je déplore vivement l'insertion dans ce texte de toute une série d'habilitations à légiférer par ordonnance en matière de transport maritime, aérien et routier, je voterai cette réforme structurelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)